Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 4 juillet 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Nous en reparlerons, monsieur le garde des sceaux !

Deuxièmement, la justice souffre d’une insécurité juridique due à l’accumulation constante de réformes sans cohérence et parfois contradictoires, autour du leitmotiv d’un discours sécuritaire : il faut aggraver les sanctions, sans se donner d’ailleurs les moyens de les appliquer.

Troisièmement, la justice souffre d’un refus de trancher la question pourtant cardinale du statut du parquet. Faudra-t-il, comme pour la garde à vue ou la psychiatrie, que les décisions du Conseil constitutionnel et la jurisprudence européenne vous obligent à avancer, en produisant au dernier moment un texte mal préparé, à l’application difficile, pour ne point dire chaotique ?

Comment avez-vous justifié votre démarche ? Je cite l’étude d’impact de votre projet de loi : « Les citoyens peuvent estimer que les décisions de justice ne prennent pas suffisamment en compte les évolutions de la société. » Est-ce ainsi que vous pensez remédier au malaise de la justice, au sentiment d’abandon de la magistrature ? Non seulement les magistrats n’obtiennent pas les moyens d’accomplir sérieusement leur mission, mais ils ont été sévèrement et injustement critiqués, certes pas par vous, monsieur le garde des sceaux, mais par de hauts responsables de la majorité. Au lieu de simplifier leur tâche, vous la compliquez. Ils n’ont pas besoin du concours de citoyens assesseurs pour faire face à leurs obligations ; ils ont besoin du concours de l’État.

Sont-ils, ces magistrats, si peu compétents qu’il convienne de les faire assister, dans les matières dites les plus simples, par des citoyens assesseurs ?

En réalité, ce que vous recherchez, nous l’avons tous compris, c’est l’effet médiatique, et la lecture du nouvel article 399-2 du code de procédure pénale est à cet égard révélatrice : compétence est donnée au citoyen assesseur pour les homicides involontaires routiers, ainsi que pour les homicides résultant d’agressions commises par des chiens… On peut se demander si TF1 et quelques quotidiens du matin ne seraient pas les inspirateurs de la nouvelle politique pénale !

En revanche, les citoyens assesseurs ne seront pas compétents pour les infractions économiques et financières ou le trafic de stupéfiants…

Depuis trois ans, monsieur le garde des sceaux, vos prédécesseurs ont martelé que la justice était trop lente et que, dans l’intérêt prioritaire du citoyen justiciable, il convenait de la réformer pour accélérer son cours.

Aujourd’hui, par l’instauration de cette procédure dont personne, en particulier dans le monde judiciaire, n’a réellement demandé la création, vous reconnaissez vous-même que la justice sera rendue plus lentement pour les affaires concernées, que les tribunaux correctionnels comportant des citoyens assesseurs ne pourront examiner qu’un nombre plus limité de dossiers à chaque audience. La vérité d’un jour n’est plus celle du lendemain !

Au passage, monsieur le garde des sceaux, j’imagine quelles auraient été votre réaction et celle de nos collègues de la majorité si un gouvernement d’une autre tendance avait proposé une telle réforme !

Cela étant, à ce moment de mon propos, je voudrais remercier le rapporteur, M. Jean-René Lecerf, le président de la commission de lois, M. Jean-Jacques Hyest, et vous-même, monsieur le garde des sceaux, d’avoir évité que ce très mauvais projet de loi ne devienne encore pire, notamment lors du débat à l’Assemblée nationale.

Nous avons ainsi échappé à la cour d’assises dite simplifiée, à l’appel de la partie civile en matière criminelle. Sur ce dernier point, je fais miennes les observations que M. le président Hyest a formulées devant la commission des lois.

Je vous remercie donc tous les trois d’avoir freiné les ardeurs de certains députés, dont le zèle sécuritaire se traduit trop souvent par un réquisitoire malsain contre la justice, d’autant que ceux qui donnent des leçons ne les appliquent pas forcément au quotidien : une récente émission de TF1 réalisée à Nice a donné une illustration malheureuse de ce fait…

Monsieur le garde des sceaux, la politique du Gouvernement donne le tournis, et c’est un euphémisme ! On supprime à grands frais les avoués, que, selon Mme Dati, on devait retrouver nombreux dans la magistrature, tandis que leurs collaborateurs devaient intégrer les greffes : verba volant

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