Il ne vous aura point échappé que, de fait, le parquet pourra, dans certains cas, choisir ses juges par le jeu de la qualification.
Vous n’avez pas davantage répondu à nos objections s’agissant du problème des infractions connexes. Ce point n’est pas mineur puisque, selon l’étude d’impact, plus de 1 500 affaires seront concernées, alors même que le Conseil constitutionnel rappelait déjà, à propos de la loi du 23 juillet 1975, que le principe d’égalité « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ». Ce raisonnement peut aussi valoir pour la question de l’expérimentation, laquelle concernera deux cours d’appel : des faits de même nature seront jugés par des juridictions différentes selon le lieu où ils auront été commis.
Enfin, comment ne pas évoquer la disparition de la spécialisation de la justice des mineurs avec la création d’un tribunal correctionnel pour les mineurs et la mise à l’écart du juge des enfants, ainsi que celle du suivi des mineurs auteurs d’infractions, en dépit des protestations unanimes des professionnels contre le congédiement des assesseurs qualifiés au profit d’assesseurs citoyens, le procureur pouvant saisir directement le tribunal ? La censure par le Conseil constitutionnel de la LOPPSI 2, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, semble oubliée… C’est là encore une illustration d’une politique de rupture dans le mauvais sens du terme : rupture avec l’expérience des professionnels, avec la spécificité de la justice des mineurs.
En conclusion, nous avons affaire à un projet de loi marquant de la défiance à l’égard des magistrats. La justice sera plus lente et plus coûteuse : est-ce celle qui doit être rendue au nom du peuple français ? Nous ne le croyons pas, et c’est pourquoi notre groupe, très majoritairement, votera contre ce texte. §