Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 4 juillet 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Selon vous, il y aurait chez certains jeunes délinquants une sorte de prédisposition, susceptible d’orienter leur vie entière. En les cantonnant dans leurs actes, vous leur déniez toute capacité à évoluer. Vous multipliez ainsi les mécanismes de mise à l’écart, y compris pour les primo-délinquants : développement de la surveillance électronique, élargissement des motifs de placement en détention provisoire, création de centres éducatifs fermés extrêmement coûteux, au détriment de la mise en place d’autres structures éducatives…

Vous vous en prenez directement au juge des enfants, sans doute encore une fois considéré comme laxiste, ce qui est une contre-vérité. Le rôle du tribunal pour enfants va être affaibli, au profit du nouveau tribunal correctionnel pour mineurs, dont relèveront les jeunes âgés de plus de 16 ans, passibles d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement et se trouvant en état de récidive légale : ces critères sont aujourd’hui très facilement remplis.

Vous donnez aux procureurs des pouvoirs accrus, par exemple en matière de comparution immédiate, alors même que le Conseil constitutionnel a récemment censuré une disposition très similaire.

Pour vous, seule la sanction compte, qui doit être aussi sévère et rapide que possible ! Il en va de même à l’école, M. Chatel ayant préféré édicter un décret fixant un nouvel arsenal de sanctions plutôt que de stopper les suppressions de postes et de recruter les personnels nécessaires.

On sait jusqu’où certains sont prêts à aller pour afficher leur position : un certain député des Alpes-Maritimes a ainsi fait parler de lui et de son contrat de responsabilité parentale en exhibant une mère de famille éplorée, qui s’est révélée être son attachée de presse et n’avoir pas d’enfant ! Cette mesure est-elle si inefficace qu’il faille une telle mise en scène pour tenter de convaincre le téléspectateur de son bien-fondé ?

Ce texte traite d’ailleurs les parents en difficulté comme des délinquants : introduction de stages de responsabilité parentale en tant que punition, possibilité de les amener menottes aux poignets devant le tribunal… Croyez-vous vraiment, monsieur le garde des sceaux, que c’est ainsi qu’ils pourront recouvrer une autorité perdue ? Nul doute que c’est l’inverse qui se produira !

Avec ce projet de loi, vous faites disparaître le fondement même de la justice des mineurs : une justice de continuité, qui doit intervenir rapidement, c’est évident, mais qui doit aussi pouvoir prendre le temps de la réflexion et agir de concert avec la famille du mineur, son avocat et les personnels des services sociaux, afin de définir les mesures adaptées. Certes, pour l’heure les moyens manquent, mais il faut les mobiliser, car un long travail doit être accompli, avant le jugement, pour modifier le parcours d’un enfant et éviter qu’il ne récidive ou, pis encore, qu’il ne s’inscrive durablement dans un parcours délinquant en allant en prison.

L’adoption de l’article 29 bis prouve d’ailleurs que vous-même n’ignorez pas ce problème. Pourtant, vous n’avez de cesse de rapprocher la justice des mineurs de celle des majeurs : c’est tout le contraire de ce que voulaient ses fondateurs !

Vous – ce n’est pas votre personne que je vise à titre principal, monsieur le garde des sceaux ! – procédez par affirmations péremptoires et tautologies : les mineurs d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’en 1945 ; les mineurs sont particulièrement violents – c’est la conséquence de l’augmentation de la violence chez les adultes ; les juges des enfants sont trop indulgents – or la réponse pénale apportée par les tribunaux pour enfants est supérieure à la moyenne !

Certes, nous avons bien compris qu’il s’agissait là d’une méthode de gouvernement. Ainsi, le ministre de l’intérieur n’a pas craint d’affirmer que deux tiers des enfants d’immigrés étaient en échec scolaire, alors qu’ils ne sont en réalité que 16 % dans ce cas, mais il n’a pour autant pas présenté d’excuses pour cette contrevérité.

En matière de justice des mineurs, vous avez oublié que, pour la communauté internationale, on est un enfant jusqu’à 18 ans. En conséquence – je ne recule pas moi non plus devant les tautologies ! –, on n’est pas adulte avant 18 ans.

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