Intervention de Michel Magras

Réunion du 4 juillet 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « la justice est rendue au nom du peuple français, désormais elle sera rendue aussi par le peuple français » : c’est ainsi que le chef de l’État annonçait, le 3 février dernier, la réforme essentielle que nous allons voter aujourd’hui.

En effet, le texte qui nous est soumis a pour objet de renforcer le lien, aujourd’hui trop distendu, entre la population et l’institution judiciaire. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Le groupe UMP est notamment convaincu que la participation des citoyens à la prise de décisions parfois difficiles améliorera leur connaissance d’une institution complexe.

Ce texte constitue une étape nouvelle et majeure, qui matérialise la volonté du Gouvernement d’établir une justice plus proche du citoyen, plus réactive, prenant mieux en compte les attentes légitimes des Français. L’intervention des citoyens assesseurs viendra nourrir l’esprit civique de chacun, dans la mesure où juger est un acte de citoyenneté et d’implication dans la vie de la cité.

L’extension de la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale procède de la volonté de poursuivre la démocratisation de notre vie politique et constitue une impérieuse nécessité. Elle permettra, dans le respect du cadre constitutionnel et conventionnel, de répondre au sentiment d’incompréhension croissante qu’éprouvent nos concitoyens devant leur justice. Il ne fait nul doute que les citoyens seront demain, comme ils le sont déjà aujourd’hui en matière criminelle, de bons juges.

Si le cadre conventionnel – au premier chef la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – n’impose aucune exigence concernant le caractère professionnel ou non des membres des juridictions, le cadre constitutionnel, sous réserve que certaines garanties soient respectées, permet aujourd’hui d’associer davantage les citoyens au fonctionnement de la justice pénale.

Notre groupe se satisfait pleinement des modalités de désignation, largement inspirées du fonctionnement de la cour d’assises, que le travail parlementaire a permis d’élaborer. La qualité des citoyens assesseurs, leur capacité à prendre des décisions éclairées sur des faits parfois complexes et leur sens des responsabilités seront ainsi parfaitement pris en compte.

Bien sûr, la présence de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, les cours d’assises et les juridictions de l’application des peines imposera l’octroi de moyens financiers et de postes supplémentaires, tant de magistrats que de greffiers. Le Gouvernement a pris des engagements sur ce point, et le groupe UMP lui fait confiance.

Il s’agit de renforcer la cohérence de notre système pénal, en garantissant une certaine continuité de notre chaîne pénale, puisque, comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, 80 % des dossiers soumis aux juridictions chargées de l’aménagement des peines concernent des personnes condamnées par une cour d’assises. Il nous semble donc cohérent que des citoyens puissent participer à la prise d’une décision qui conduira à aménager un verdict pris initialement par une juridiction composée de jurés. Cela accroîtra la confiance dans la justice pénale de notre pays.

Je souhaite ouvrir une parenthèse pour évoquer le champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, c'est-à-dire composé de trois magistrats professionnels et de deux citoyens assesseurs.

En effet, le Sénat, sous l’impulsion du rapporteur, avait souhaité modifier la version initiale du texte, qui répondait à un principe de spécialisation en matière de violences aux personnes, censées être d’une approche plus simple.

Or, notre collègue rapporteur, M. Jean-René Lecerf, ne s’est pas montré convaincu par cette définition du périmètre de compétence, estimant qu’une telle spécialisation « conduit à “cibler” une catégorie de délinquants qui, le plus souvent, se recrutent au sein d’une frange particulièrement démunie de la population » et regrettant que « d’autres formes de délinquance moins sociologiquement “marquées” continueront de relever des seuls magistrats professionnels ». Il déplorait le fait qu’« un grand nombre de délits portant atteinte aux personnes échapperont […] à cette formation du tribunal correctionnel ».

C’est pourquoi nous avions élargi la compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne à l’ensemble des atteintes aux personnes passibles d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans, ce qui permet d’inclure des formes de délinquance d’origine plus diverse que celle des faits de violences aux personnes, au délit d’usurpation d’identité et aux infractions prévues par le code de l’environnement et passibles d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement.

Nous nous réjouissons aujourd’hui que cette position ait primé lors de la réunion de la commission mixte paritaire, pour aboutir à un texte plus lisible et compréhensible par nos concitoyens. Outre qu’il permettra la représentation des citoyens dans les tribunaux correctionnels et les juridictions de l’application des peines, le projet de loi simplifiera l’organisation de la justice en matière criminelle.

En ce qui concerne la cour d’assises, le débat a été animé ici même et à l’Assemblée nationale. Le dispositif issu d’un échange permanent entre les deux chambres nous paraît judicieux et équilibré, propre à permettre le bon fonctionnement de notre justice.

Ainsi, comme nous l’avions souhaité lors de l’examen du texte au Sénat, afin de répondre aux deux difficultés réelles de la justice criminelle que sont l’engorgement du rôle des cours d’assises et la correctionnalisation des affaires, le jury de jugement de la cour d’assises sera rénové, et le nombre de jurés réduit à six en première instance et à neuf en appel, ce qui permet d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, comme nous l’avions alors déjà signalé, notre groupe se satisfait du remplacement de la lecture de l’arrêt de mise en accusation par un rapport oral du président.

Rendre obligatoire la motivation des arrêts en matière criminelle, et pas seulement en cas de condamnation, constitue une autre avancée importante.

L’autre volet du projet de loi, relatif à la réforme de la justice des mineurs, est nécessaire pour adapter notre système judiciaire à l’évolution de la société.

Vous aviez, monsieur le garde des sceaux, émis le souhait que l’on puisse « juger les mineurs délinquants dans les meilleures conditions, notamment grâce à une connaissance plus fine de leur personnalité, tout en respectant l’exigence de célérité qui permet de donner pleinement son sens à la sanction ». Nous ne pouvons que souscrire à cette volonté réaffirmée du Gouvernement.

Nous faisons tous le même constat, que nous siégions à droite ou à gauche de cet hémicycle : l’évolution de la délinquance des mineurs constatée au cours de ces dernières années est doublement préoccupante. D’une part, le nombre de mineurs mis en en cause pour des faits de délinquance tend à progresser ; d’autre part, les faits commis par les mineurs, qui sont de plus en plus souvent des atteintes aux personnes, s’aggravent.

Nous devons donc adapter les outils juridiques dont dispose l’autorité judiciaire à cette problématique évolutive, dans le respect des principes de primauté de l’éducatif sur le répressif, d’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge et de spécificité de la procédure pénale applicable aux mineurs.

Les modifications apportées à l’ordonnance du 2 février 1945 permettront un traitement plus rapide et plus lisible de la délinquance des mineurs, conformément au souhait des Français.

Quant à la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs, nous sommes convaincus qu’elle permettra d’améliorer la lutte contre la récidive de ces derniers.

La réduction des délais de jugement des mineurs auteurs d’infractions passe par un préalable, l’amélioration de la connaissance de la personnalité du mineur, ainsi que par une adaptation des modes de poursuite.

Ce texte comporte donc des avancées majeures en ce sens, mais aussi en vue d’une plus grande implication des parents.

Je tiens à saluer une nouvelle fois le travail minutieux et équilibré réalisé par le rapporteur, notre collègue Jean-René Lecerf, ainsi que par les membres de la commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.

Mes chers collègues, le groupe UMP, convaincu de la nécessité de cette double réforme, votera ce texte ambitieux non seulement pour notre système judiciaire, mais également pour les Français.

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