Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, près de trois ans après son dépôt, et après avoir subi quelques modifications parfois substantielles, la proposition de loi de nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard parvient au terme d’un parcours législatif que, en avril dernier, j’avais déjà qualifié de sinueux.
Cela étant, l’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à s’entendre sur un texte que nous voterons de façon unanime.
Je ne reviendrai pas sur les conditions de la transposition de la directive « services » à laquelle procède enfin ce texte dans le champ qui le concerne, sinon pour souligner une nouvelle fois que la méthode choisie par le Gouvernement, consistant à procéder tranche par tranche, n’aura pas permis de respecter le délai limite, initialement fixé au 28 décembre 2009.
Toutefois, nous savons bien, monsieur le garde des sceaux, que la surcharge de l’ordre du jour du Parlement nous impose de travailler constamment dans l’urgence, ce qui revient à dire que plus rien n’est urgent…
Beaucoup a déjà été dit sur le recul continu de la place de Paris dans le classement mondial du marché de l’art, même si celui-ci ne représentait, en 2010, qu’un peu plus de la moitié des ventes publiques. Il est patent que notre pays souffre de défauts structurels, que l’affaire de Drouot n’a fait que révéler d’une manière aussi embarrassante pour les professionnels que salutaire, en définitive, pour l’évolution du marché. Les effets conjoncturels de la crise économique n’ont fait qu’accentuer les maux dont souffre notre système de ventes publiques.
Quelques données chiffrées sont éloquentes : les ventes de biens à forte valeur ajoutée, comme les objets d’art ou les chevaux, ont nettement régressé en 2010. Dans le même temps, les ventes de biens traditionnellement porteurs en période de crise, c’est-à-dire, pour l’essentiel, les véhicules d’occasion, ont connu une légère augmentation, à hauteur de 2 %.
Le classement des principales sociétés de ventes volontaires opérant en France fait apparaître que le marché de l’art et des objets de collection est aujourd’hui dominé par les filiales de grandes maisons anglo-saxonnes, les sociétés françaises intervenant davantage dans le domaine des ventes de véhicules d’occasion, de matériel industriel ou de chevaux.
On peut donc estimer que ces opérateurs ont en quelque sorte atteint l’objectif qu’ils visaient en contestant, dès 1995, le monopole que le droit français accordait alors aux commissaires-priseurs sur les ventes volontaires de biens.
À cet égard, nous ne pouvons que souscrire aux objectifs que s’étaient fixés les auteurs de la présente proposition de loi : redonner de l’attractivité et du dynamisme au marché français et à ses opérateurs.
Pour nous, le véritable enjeu qui se profile derrière ce texte ne concerne pas les enseignes connues, dont l’avenir est assuré et la solidité financière garantie. Il vise plutôt les petites sociétés de ventes volontaires, opérant principalement dans les zones rurales, qui subissent déjà de plein fouet les effets de la transformation rapide du secteur.
Comme nous l’avons déjà dit, la concentration de ces sociétés peut certes avoir une utilité sur le plan économique, mais elle peut aboutir à un étiage territorial dommageable, notamment sur le plan social, dans la mesure où un grand nombre d’emplois dépend, directement et indirectement, de la tenue des ventes aux enchères publiques. Or les dispositions relatives à l’autorisation de vendre de gré à gré risquent de handicaper définitivement ces petits opérateurs, a fortiori quand 90 % d’entre eux préservent leur équilibre économique grâce au cumul des ventes judiciaires et des ventes volontaires.
Pour cette raison, nous continuons à considérer que l’article 4, pour lequel la commission mixte paritaire a retenu le dispositif issu du Sénat, ne doit pas conduire à favoriser de façon disproportionnée des opérateurs dont le cœur de métier n’est pas la vente volontaire de biens meubles, c'est-à-dire principalement les huissiers, même si ne sont visées que les villes où n’est pas établi un office de commissaire-priseur judiciaire.
Nous prenons toutefois acte de cette rédaction, qui est, à nos yeux, plus satisfaisante que celle de l’Assemblée nationale, laquelle s’était contentée de reprendre les principes fixés par la cour d’appel de Nancy en 2008. Ce dispositif nous apparaissait trop imprécis dès lors que la notion d’activité accessoire n’aurait pu être déduite que d’un faisceau d’indices à l’appréciation variable.
La vente de gré à gré doit demeurer une fonction spécialisée exigeant des qualifications précises, les notaires et les huissiers ne pouvant, à notre sens, intervenir que de façon très marginale. Nous regrettons toutefois que le régime arrêté par la commission mixte paritaire ne soit pas plus strict.
Pour ce qui concerne les autres dispositions restant en discussion, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord qui nous semble satisfaisant. L’essentiel reste pour nous que ce texte puisse préserver un équilibre entre les différents acteurs du marché des ventes publiques – opérateurs de vente, vendeurs et acquéreurs –, en gardant à l’esprit la sauvegarde de l’intérêt général, et non les intérêts pécuniaires particuliers.
Nous approuvons en particulier le dispositif prévu aux articles 19 et 22, qui fixent le statut et les missions du futur Conseil des ventes volontaires, nouvelle autorité de régulation du secteur dotée de la personnalité morale. Il était impératif de donner à ce conseil les moyens d’assurer la mission de régulation d’un secteur brassant plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, avec les tentations et les dérives que l’on peut imaginer.
Pour l’ensemble de ces raisons, et pour celles que nous avons déjà évoquées tout au long de la navette, l’ensemble du groupe du RDSE votera ce texte, en espérant qu’il permettra à la fois de redynamiser notre marché des ventes et de mettre en place un nouvel équilibre garantissant la transparence des transactions.