Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre — Adoption d'un projet de loi

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui dans un monde imprévisible, en même temps que nous avons à faire face à des contraintes budgétaires croissantes. L’Europe doit être en mesure de développer ses capacités militaires dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune. La construction d’un marché européen pour les équipements de défense est donc indispensable.

En transposant les directives sur les transferts intracommunautaires de produits liés à la défense et sur la coordination des procédures de passation de marchés des travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui permet deux avancées en ce sens.

La première avancée consiste à fluidifier les échanges intracommunautaires et à harmoniser les modalités de contrôle étatique.

Pour les entreprises – certaines sont importantes, mais nombre d’entre elles sont beaucoup plus petites ! –, il s’agit de réduire les coûts et les incertitudes juridiques liés à l’actuelle hétérogénéité des régimes nationaux dans le domaine des procédures de contrôle, des champs d’application et des délais d’autorisation. Je rappelle, en effet, que le marché européen des produits liés à la défense est aujourd’hui fragmenté en vingt-sept régimes de contrôle nationaux.

Pour les États membres, il s’agit de garantir la sécurité d’un approvisionnement d’origine européenne, j’y insiste, pour répondre aux besoins opérationnels de leurs forces.

En ce qui concerne les transferts intracommunautaires, le texte prévoit d’instaurer un principe de liberté encadrée du commerce et de l’industrie et donc de supprimer le dispositif des autorisations d’importation et de transit. Le nouveau cadre juridique, harmonisé, reposera sur un dispositif de contrôle à la fois a priori et a posteriori, par le biais de trois types de licences de transfert : individuelle, globale et générale.

Au-delà des transferts intracommunautaires, nous avons profité de la transposition de la directive pour rénover notre dispositif national de contrôle des importations et des exportations, qui repose sur des principes datant de 1939 ! Vous comprendrez qu’une actualisation était souhaitable !

Le projet de loi prévoit ainsi de remplacer l’actuel système de double autorisation – agrément préalable pour négocier et signer un contrat, d’une part, et autorisation d’exportation, d’autre part – par une licence unique, qui fusionnera ces deux autorisations, et ce dans un esprit de simplification administrative et d’harmonisation avec les procédures en vigueur chez la plupart de nos partenaires.

Par ailleurs, il crée une licence générale d’exportation, utilisable à destination de pays jugés suffisamment sûrs et limitativement désignés par un arrêté.

Il prévoit également la mise en place d’un mécanisme de qualification des entreprises souhaitant utiliser des licences générales d’exportation et de certification des entreprises souhaitant recevoir des produits liés à la défense, afin de vérifier la fiabilité de leur organisation interne.

Il prévoit enfin la création d’un dispositif de contrôle a posteriori, avec la mise en place d’un comité ministériel du contrôle, qui impliquera plusieurs services du ministère de la défense dans les opérations de contrôle des entreprises sur pièce et sur place. C’est tout le sens des amendements gouvernementaux qui ont été présentés en commission.

Ces amendements introduisent trois éléments nouveaux : l’habilitation des agents du ministère de la défense chargés du contrôle, l’obligation pour les entreprises de permettre l’accès de ces personnels habilités et une demande d’avis du ministre de la défense, préalablement à tout acte de poursuite envisagé.

Naturellement, un haut niveau de sécurité sera maintenu, toute autorisation pouvant être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment dans le cas d’un changement rapide et brutal du contexte international.

La seconde avancée de ce projet de loi consiste à contribuer à l’harmonisation de la législation communautaire pour favoriser le développement d’une concurrence plus loyale au sein de l’Union européenne et introduire plus de transparence dans les marchés passés par les autres États membres. Tel est l’objet de la directive du 13 juillet 2009 concernant les marchés de défense et de sécurité, qui vise notamment à limiter l’utilisation massive par certains États membres de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, permettant de soustraire des achats d’armement à la concurrence. Vous l’aurez compris, il s’agit de lutter contre le protectionnisme des pays qui ôtaient à nos entreprises l’idée même d’accéder à leurs marchés.

Pour autant, l’ouverture des marchés qu’organise cette directive est maîtrisée. Le texte conserve naturellement la possibilité d’exclure les marchés sensibles. Il continue également à écarter tout programme de recherche cofinancé avec d’autres États européens, ainsi que ses phases ultérieures. Chaque État a ainsi la possibilité de conserver un système spécifique.

Enfin, il prévoit de larges possibilités de sélection des soumissionnaires, sur le fondement d’exigences relatives à la sécurité d’approvisionnement, en particulier sur la base de la localisation des activités sur le territoire de l’Union européenne.

Bien que cette ouverture soit maîtrisée, elle a pour objet de renforcer, promouvoir et développer une base industrielle et technologique de défense européenne.

Le projet de loi qui vous est aujourd’hui présenté rassemble des dispositions législatives souvent très techniques qui doivent être adoptées pour satisfaire aux exigences de transposition de la directive en droit français, sachant que l’essentiel de la transposition se fera ensuite par voie réglementaire.

Il a, d’abord, pour objet de modifier l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, afin d’assurer la cohérence de ses dispositions avec celles du code des marchés publics. Cette modification permet, en outre, la prise en compte de la définition communautaire de la sous-traitance et l’introduction des mesures nécessaires pour fermer certains marchés aux opérateurs économiques non ressortissants de l’Union européenne.

Il vise, ensuite, à modifier le code de justice administrative pour y insérer les dispositions relatives aux recours prévues par la directive Marchés publics de défense et de sécurité.

Le texte initial proposé par le Gouvernement était sans doute perfectible, et nous avons accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la proposition du président de Rohan de travailler ensemble à l’amélioration de celui-ci, tirant ainsi profit de la réforme constitutionnelle. Sur la base de débats fructueux et constructifs avec les services du ministère, mais aussi avec les industriels de la défense, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a élaboré un amendement qui a reçu le plein soutien du Gouvernement. La nouvelle rédaction de l’article 5, qui résulte de l’adoption de cet amendement en commission, exploite au mieux les différentes possibilités qu’offre la directive d’encadrer les modalités d’ouverture des marchés à la concurrence.

Sans aller jusqu’à affirmer clairement une préférence communautaire, qui ne serait pas conforme, chacun ici le sait, au droit communautaire, le texte s’appuie sur la directive pour permettre aux services acheteurs de définir si un marché est ouvert ou non à la concurrence extracommunautaire. Le service acheteur peut fonder sa décision sur l’analyse d’un ensemble de critères, explicités dans le projet de loi, parmi lesquels figurent les impératifs de sécurité d’information d’approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l’État, l’intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les objectifs de développement durable, toujours bienvenus en l’espèce, et chers à Mme Voynet, ainsi que les exigences de réciprocité.

Le texte donne également les moyens aux services acheteurs d’écarter une offre ou un candidat dont les capacités techniques ne seraient pas à niveau pour exécuter le marché ou pour assurer la maintenance des équipements faisant l’objet du marché. Ces capacités techniques peuvent notamment être appréciées au regard de l’implantation géographique de l’équipement technique, du personnel ou encore des sources d’approvisionnement dont dispose le candidat.

Ainsi, en s’appuyant sur des exigences relatives à la sécurité de l’information et à la sécurité des approvisionnements, les services acheteurs peuvent vérifier la pertinence de l’ensemble des composantes d’une offre, en particulier les capacités techniques des sous-traitants utilisés. Nous nous dotons donc ici d’un dispositif de nature à écarter ce que l’on appelle, dans ces échanges commerciaux et industriels bien spécifiques, les « faux nez ».

Au terme du processus de transposition de ces deux directives, adoptées par le Conseil et le Parlement européen lorsque la France assurait la présidence de l’Union européenne, nous avons atteint, je le pense profondément, un bon équilibre entre l’ouverture à la concurrence européenne de nos marchés de défense et la protection des intérêts de notre base industrielle de défense.

Je tiens donc à saluer de nouveau le travail remarquable accompli par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec laquelle nous travaillons dans un parfait esprit de confiance et de dialogue.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons l’occasion, avec ce projet de loi, de franchir une étape essentielle dans la construction de l’Europe de la défense que les Français appellent de leurs vœux. Je compte sur votre soutien pour adopter ce texte, qui est au service des industries de défense de notre pays.

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