Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre — Adoption d'un projet de loi

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Cinquièmement, il ne faut pas attendre de ces directives qu’elles fassent avancer l’Europe de la défense, ou alors ce sera à pas comptés. Nous ne pouvons qu’être sceptiques en la matière. Cependant, ces directives constituent un outil supplémentaire, qui sera peut-être modeste : tout dépendra de la façon dont les pays s’en empareront.

Pour que l’équation qui relie la mise en place d’un marché européen de la défense au renforcement d’une base industrielle et technologique de défense européenne se vérifie, il fallait évidemment une clause de préférence communautaire. Son absence ne le permet pas.

Pourtant, si elle avait des avantages, une telle clause pouvait aussi présenter des inconvénients. Elle supposait d’accepter d’acheter plus cher au sein de l’espace où elle se serait appliquée, au profit des industriels qui en auraient bénéficié. Cet inconvénient a paru inacceptable à tous les pays européens, en particulier à ceux qui n’ont pas d’industrie de défense et même, avouons-le, à certains de ceux qui disposent d’une industrie de défense ; je pense aux Britanniques et aux Suédois.

À supposer même que nous eussions réussi à imposer une telle clause à nos amis et voisins européens, cela n’aurait pas pour autant suffi à contribuer à renforcer la politique européenne de sécurité et de défense. Nous le savons bien : si cet outil supplémentaire s’impose, d’autres sont nécessaires.

Encore faudrait-il que les efforts en matière de défense soient identiques ou équivalents dans tous les pays de l’Union européenne et qu’ils ne reposent pas de façon disproportionnée sur quelques pays, notamment la France. Par ailleurs, une harmonisation des besoins serait nécessaire – il n’est pas nécessaire de fabriquer trois avions de combat ou d’étudier dix-sept programmes de blindés ! –, tout comme le serait une harmonisation des calendriers et des doctrines d’emploi. Cela concerne aussi nos états-majors : nos politiques ne portent pas l’entière responsabilité de la situation, ils la partagent. Or nous sommes très loin de tout cela.

Dans ces conditions, les directives du paquet défense n’ont que peu de chances d’atteindre les objectifs qu’elles se sont elles-mêmes fixées, en tout cas tels qu’ils apparaissent dans l’exposé des motifs.

Dans le meilleur des cas, ces directives augmenteront la concurrence entre producteurs européens et contribueront à une pression à la baisse sur le coût des équipements, ce qui n’est pas rien.

Dans le pire des cas – à nous de faire en sorte que cela n’arrive pas –, elles affaibliront les BITD nationales au profit d’une BITD transatlantique. Ce serait grave et sonnerait le glas de l’Europe de la défense, ce que personne d’entre nous ne souhaite.

Pour autant, et sous l’engagement que l’application de ces directives fera l’objet d’un contrôle toujours aussi scrupuleux du Gouvernement, le groupe socialiste votera ce texte. Je précise que les sénateurs Verts m’ont fait part de leur opposition à ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion