Intervention de Michèle André

Réunion du 4 octobre 2007 à 23h00
Immigration intégration et asile — Rappels au règlement

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quitte à ce que cela prenne quelques minutes, je souhaite d'abord vous demander comment vous comptez organiser les travaux de notre séance de ce soir, ou plutôt de cette nuit, compte tenu du nombre d'amendements qui restent à examiner. En avez-vous une idée ?

Par ailleurs, vous savez sans doute que le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le CCNE, a rendu, ce matin, un avis n°100 sur le projet de loi que nous étudions.

Permettez-moi de vous donner lecture de cet avis, qui n'est pas très long, et qui va certainement vous intéresser.

« Le CCNE a été saisi par un sénateur le 3 octobre 2007 dans le cadre d'une procédure d'urgence de projets d'amendement et de sous-amendement concernant un article du projet de loi « migration, intégration et asile » qui précise que le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieur à trois mois dans le cadre d'un regroupement familial peut solliciter son identification par les empreintes génétiques afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa.

« Le CCNE regrette que des questions aussi importantes concernant l'accueil des étrangers et le droit de la filiation fassent l'objet de procédures en urgence qui entraînent une constante évolution des textes. Le CCNE ne veut donc pas s'enfermer dans le jugement de tel ou tel article ou amendement d'une version d'un projet législatif. Il se réserve la possibilité d'une réflexion de fond sur des textes concernant l'accueil des étrangers qui soulèvent d'autres questions que celles du regroupement familial.

« Le CCNE prend acte que progressivement les amendements successifs prennent de plus en plus en compte la notion de famille telle que définie dans le droit français, notamment en reconnaissant la filiation sociale comme prioritaire.

« Malgré toutes les modifications de rédaction, le CCNE craint que l'esprit de ce texte ne mette en cause la représentation par la société d'un certain nombre de principes fondamentaux que le CCNE entend réaffirmer avec force, déjà rappelé dans son avis n° 90 : avis sur l'accès aux origines, anonymat et secret de la filiation, 24 novembre 2005. L'erreur est de laisser penser qu'en retrouvant le gène la filiation serait atteinte. La filiation passe par un récit, une parole, pas par la science. L'identité d'une personne et la nature de ses liens familiaux ne peuvent se réduire à leur dimension biologique. La protection et l'intérêt de l'enfant doivent être une priorité quand il s'agit de décisions concernant la famille. Le doute devrait jouer a priori au bénéfice de l'enfant.

« Cette inscription dans la loi d'une identification biologique réservée aux seuls étrangers, quelles qu'en soient les modalités, introduit de fait une dimension symbolique dans la représentation d'une hiérarchie entre diverses filiations, faisant primer en dernier lieu la filiation génétique vis-à-vis du père ou vis-à-vis de la mère comme étant un facteur prédominant, ce qui est en contradiction avec l'esprit de la loi française. De nombreuses familles françaises témoignent de la relativité de ce critère : familles recomposées après divorce, enfant adopté, enfant né d'accouchement dans le secret, sans parler de toutes les dissociations que peuvent créer les techniques actuelles d'assistance médicale à la procréation.

« Outre la question de la validité des marqueurs biologiques pour mettre en évidence des liens de filiation, d'un point de vue symbolique, le relief donné à ces critères tend à accréditer dans leur recours une présomption de fraude. Le CCNE est préoccupé par la charge anormale de preuves qui pèsent sur le demandeur.

« D'une manière générale, le CCNE attire l'attention sur la dimension profondément symbolique dans la société de toute mesure qui demande à la vérité biologique d'être l'ultime arbitre dans des questions qui touchent à l'identité sociale et culturelle. Elle conduirait furtivement à généraliser de telles identifications génétiques, qui pourraient se révéler à terme attentatoires aux libertés individuelles. Elle risquerait d'inscrire dans l'univers culturel et social la banalisation de l'identification génétique avec ses risques afférents de discrimination.

« Le CCNE redoute les modalités concrètes d'application dans des réalités culturelles très différentes des nôtres. Nos concitoyens comprendraient peut-être mieux l'exacte réalité de tels enjeux s'ils étaient confrontés à des exigences analogues lors de leur propre demande de visa. »

Cet avis est daté du 4 octobre 2007, donc d'aujourd'hui.

Monsieur le président, monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste et en application de l'article 43, alinéa 4, de notre règlement, je demande au Sénat qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 5 bis relatif aux tests ADN, applicables aux étrangers qui veulent venir sur notre sol.

Lorsque nous avons discuté, hier soir, de l'amendement présenté à titre personnel par M. Jean-Jacques Hyest, nous n'avions pas connaissance de l'avis du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Cet avis, dont je viens de vous donner lecture, est susceptible de contribuer à notre réflexion.

C'est pourquoi nous souhaitons que le Sénat puisse être en mesure de délibérer à nouveau sur une disposition qui pose des problèmes graves, à la fois de principe et d'ordre pratique.

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