L'article 6 éclaire la conception a minima du droit d'asile qui est celle du Gouvernement et de la majorité.
Monsieur le ministre, vous avez à plusieurs reprises indiqué que vous ne confondiez pas immigration et asile, mais malheureusement les deux thèmes sont toujours traités ensemble dans les textes législatifs et vous n'innovez pas en la matière, ce qui est dommage.
Vous avez aussi affirmé que la France était vraiment un pays formidable en matière d'asile. Je vous ferai observer que, de ce point de vue, notre pays n'est pas si formidable que cela. En effet, au regard du nombre des demandes d'asile, la France n'arrive plus qu'au deuxième rang à l'échelon européen. En outre, le nombre des demandes d'asile acceptées ne fait que diminuer depuis un certain nombre d'années. §Je dispose des chiffres qui le démontrent, monsieur le ministre, je vous les donnerai tout à l'heure. D'ailleurs, nous nous faisons réprimander par les instances internationales à ce titre.
Une association comme la Cimade, reconnue pour le sérieux de son action, a dénoncé le fait que « le droit d'asile, principe de la République, devient une des variables d'ajustement des politiques migratoires des États », et précisément du nôtre. J'en suis désolée, mais c'est ainsi !
Cela n'a rien d'étonnant quand on sait que les demandeurs sont avant tout envisagés sous l'angle de la lutte contre les détournements du droit d'asile. En bref, la confusion entre ce droit et l'immigration est savamment entretenue pour mieux contenir sa mise en oeuvre.
Je rappelle que le droit d'asile est avant tout le fruit d'un long cheminement porteur de valeurs universelles. C'est un droit fondamental de la personne et il est positif qu'il ait été affirmé comme tel au plan national par son intégration dans le préambule de la Constitution de 1946. Quant à la Convention de Genève, elle est un acquis que la communauté internationale et les États doivent défendre et faire reconnaître partout comme un socle essentiel.
Hélas, dans notre pays ou à l'échelon européen, on n'a de cesse de remettre en cause un droit personnel à l'asile ! Quand un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme contraint notre État à légiférer sur le recours suspensif, vous vous empressez, comme l'a dit M. Mermaz, de vider cette disposition des garanties qu'elle est supposée apporter.
Je citerai, à titre d'exemple de cette tactique, la brièveté du délai prévu dans le projet de loi pour déposer un recours, l'obligation, pour le demandeur de l'annulation d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français, de déposer une requête motivée et le fait que la garantie d'une audience devant un juge n'existe pas. Sur ce dernier point, pourtant, la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 avril dernier concernait un Érythréen dont le référé avait été rejeté sans audience par le tribunal administratif, alors qu'il a été reconnu réfugié ultérieurement.
Dans le même ordre d'idées, prévoir que, sauf opposition de l'étranger, l'audience pourra se tenir par vidéoconférence, l'intéressé se trouvant dans la salle d'audience de la zone d'attente et le magistrat au tribunal, ne saurait garantir le respect des principes de recours effectif et de procès équitable.
Nous sommes, plus généralement, totalement opposés au fait que des étrangers puissent être jugés dans un lieu extérieur au tribunal compétent. De plus, le contexte d'une zone d'attente ne permet pas de créer un climat de confiance, essentiel pour que le demandeur d'asile puisse parler librement de son parcours et de ses craintes d'être persécuté dans son pays d'origine. Nulle mention n'est faite de l'avocat, de son accès à son client ou au juge, de la confidentialité de ses contacts avec son client.
Comme le rappelle la Commission nationale consultative des droits de l'homme, c'est le droit à un procès équitable qui est en jeu. Comment, dans ces conditions, penser que le recours sera effectif ? C'est pourtant que qu'exige l'article 39 de la directive « procédures » relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres que la France doit transposer avant le 1er décembre 2007 : les États membres doivent faire en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours « effectif » devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d'asile.