Intervention de David Assouline

Réunion du 4 octobre 2007 à 23h00
Immigration intégration et asile — Article 9

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Comme il est écrit sur le site officiel de l'OFPRA, les textes fondateurs du droit d'asile en France n'ont été affectés que par des modifications de détail jusqu'à la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile, dont le présent projet de loi continue l'oeuvre destructrice.

Législation destructrice en effet, destructrice d'une tradition séculaire, qui consiste à accorder la protection de l'État à un étranger qui ne peut, contre la persécution, bénéficier de celle des autorités de son pays d'origine. Ainsi, l'article 120 de la Constitution du 24 juin 1793 prévoyait que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. »

Ce droit, réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. », est reconnu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, signée par la France en 1952, année qui voit la création de I'OFPRA et de la Commission des recours des réfugiés, instaurées par la loi du 25 juillet.

Depuis plus de cinquante ans, la France offre la protection aux réfugiés et aux apatrides dans le cadre des conventions internationales qui la garantissent, et c'est pourquoi l'OFPRA est logiquement rattaché au ministre chargé des affaires étrangères.

En effet, outre que la négociation et l'application des engagements internationaux de la France relèvent de sa compétence, le ministre des affaires étrangères est chargé, en s'appuyant sur le réseau des ambassades et des consulats, de suivre la situation de l'ensemble des États étrangers, connaissance dont a besoin l'OFPRA pour déterminer le droit d'une personne n'ayant pas la nationalité française de prétendre au statut de réfugié, qui dépend notamment du régime politique en vigueur dans le pays d'origine du demandeur.

Il est donc de bonne administration que l'OFPRA reste attaché organiquement au réseau diplomatique de la France, le deuxième au monde, ainsi qu'à la compétence en droit international du ministère des affaires étrangères. Sur le plan de l'organisation administrative, il est donc difficilement défendable de soumettre l'OFPRA au jeu des modifications régulières du périmètre des portefeuilles ministériels en le mettant sous la tutelle du ministre « chargé de l'asile », sans autre précision.

Mais, au-delà de l'organisation gouvernementale, qui est évidemment significative du contenu de la politique conduite, le choix de créer un ministère chargé à la fois des questions d'immigration, d'intégration et d'identité nationale tout en donnant à son titulaire la compétence de l'asile n'est pas acceptable.

Constitutionnellement garantis et reconnus par les engagements internationaux de la France, le droit d'asile et la protection des réfugiés et apatrides qui en découle ne peuvent être traités selon la même logique que l'immigration économique et familiale, au risque de remettre en cause leur spécificité et, finalement, leur existence même.

Notre opposition à ce changement de tutelle de l'OFPRA est d'autant plus résolue que les objectifs que le Président de la République vous a fixés, monsieur Hortefeux, sont inquiétants - je ne reviendrai pas sur les objectifs chiffrés attribués aux préfets en matière d'expulsions et sur la chasse systématique aux sans-papiers.

Aucune des quatre orientations de l'action du ministère - maîtriser les flux migratoires, favoriser l'intégration, promouvoir l'identité française et encourager le codéveloppement - ne recouvre la problématique du droit d'asile, sauf à banaliser les flux migratoires liés aux persécutions politiques.

Dans son avis du 20 septembre dernier, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, estime à ce sujet qu'« il n'est pas acceptable de laisser perdurer la confusion établie entre le droit d'asile et les questions d'immigration ; ces deux questions ne peuvent être confondues compte tenu de la qualité de droit fondamental de l'asile », et la Commission d'ajouter que « les prérogatives légitimes de l'État français de contrôler ses frontières ne sauraient affecter l'obligation pour le Gouvernement de respecter ses engagements internationaux contraignants, comme la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967, et la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles ».

Or, lorsqu'on lit le discours récent de M. Hortefeux devant les directeurs territoriaux du travail et de l'emploi, on prend pleinement la mesure de l'obsession du Gouvernement, totalement contradictoire avec les principes rappelés par la CNCDH, de n'autoriser l'entrée sur notre territoire qu'à des émigrés utiles à l'économie.

Dans le cadre de cette politique de plus en plus restrictive et répressive, qui pourra garantir l'effectivité du droit d'asile si l'OFPRA est rattaché non plus au ministère des affaires étrangères mais à celui qui est chargé du programme chiffré de Nicolas Sarkozy en matière d'émigration ?

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