Intervention de Odette Terrade

Réunion du 4 octobre 2007 à 23h00
Immigration intégration et asile — Article 9 ter

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

À juste titre, la commission des lois propose de supprimer l'article 9 ter, introduit par l'Assemblée nationale, qui prévoit de réduire de moitié le délai d'appel contre une décision de l'OFPRA devant la Commission des recours des réfugiés, bientôt Cour nationale du droit d'asile.

Le Sénat s'est déjà prononcé en ce sens en 2005, quand le Gouvernement a tenté d'imposer cette régression. Nous nous étions alors fondés sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

L'argumentation utilisée par l'Assemblée nationale est inacceptable : le délai d'un mois allongerait les délais de procédure et nuirait au bon accueil des demandeurs d'asile ; en outre, le réduire de moitié permettrait d'économiser 10 millions d'euros par an.

Permettez-moi de citer un extrait de la lettre que l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, l'ACAT, a adressée à l'ensemble des sénateurs : « S'il ne s'agit que de considérations financières, elles sont misérables et indignes de la France. Quant à la longueur des procédures, il faut y remédier en renforçant les effectifs de l'OFPRA et de la CRR, et non en faisant payer aux réfugiés l'incurie de l'État. »

Les personnels de l'OFPRA étaient d'ailleurs hier en grève contre la réduction de moitié du délai d'appel contre les décisions de cet organisme. Ils sont particulièrement bien placés pour savoir ce que signifie le fait de constituer un dossier.

Une telle disposition fait en effet fi de la réalité : un délai de quinze jours est totalement insuffisant pour permettre à un demandeur d'asile de prendre connaissance de la décision de rejet le concernant, laquelle n'est pas traduite dans une langue comprise par le demandeur - comme l'exige pourtant l'article 10 de la directive européenne du 1er décembre 2005 -, de trouver un avocat, de motiver son recours, de le rédiger en langue française sous peine d'irrecevabilité et, pour finir, de l'acheminer.

Combinée avec les dispositions de l'article 6 qui instaurent la possibilité de rejeter par simple ordonnance, sans audience, les recours insuffisamment motivés, cette mesure priverait un grand nombre de réfugiés potentiels d'un examen au fond de leurs craintes de persécution ainsi que de la protection accordée par une juridiction qui a pourtant reconnu en 2006 les deux tiers des réfugiés.

En outre, ce délai d'un mois est déjà inférieur de moitié au délai de droit commun en matière de recours administratif.

La Convention européenne des droits de l'homme, à laquelle la France est partie, exige que le droit au recours soit effectif. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés a fait part de sa stupeur devant l'atteinte au droit d'asile que constitue la réduction du délai d'appel.

C'est pourquoi nous espérons que la sagesse du Sénat n'aura pas été invoquée en vain et que la Haute Assemblée maintiendra jusqu'au bout son refus de voir réduire le délai d'appel.

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