L'article 10 ter ne figurait pas dans le projet de loi initial. Il résulte de l'adoption, sans aucun débat, d'un amendement déposé par notre ancien collègue M. Goujon. Pour le présenter, son auteur s'est contenté de dire « Défendu », alors que la commission et le Gouvernement ont simplement émis un avis favorable. Les arguments furent donc de part et d'autre un peu courts...
Pourtant, la mesure proposée est loin d'être anodine pour les étrangers puisque, comme l'a dit M. Mermaz, il s'agit de suspendre l'exercice de leurs droits par les étrangers pendant leur transfert vers le lieu de rétention.
Je rappelle que la rétention est une mesure administrative de privation de liberté qui s'effectue sous le contrôle du juge judiciaire. À l'occasion d'une rétention administrative, les personnes concernées disposent de certains droits, tels la possibilité d'accéder à tout moment à un téléphone, de faire gratuitement appel à un médecin, d'avoir un contact avec leur avocat ou avec leur consulat, de bénéficier de l'assistance de la CIMADE, de l'ANAEM et d'un interprète. Ce sont ces droits dont vous voulez suspendre l'exercice pendant des transferts qui peuvent durer plusieurs heures !
Cela dit, ne nous voilons pas la face : dans la pratique, c'est déjà le cas de facto. Certains étrangers placés en rétention sont effectivement privés de leurs droits pendant leur transfert, par exemple entre le commissariat et le centre de rétention, transfert qui peut durer parfois plusieurs heures.
L'article 10 ter a pour objet d'éviter que le juge judiciaire, lorsqu'il est saisi d'une demande de prolongation de la rétention, ne puisse annuler, comme il en a la possibilité aujourd'hui, certaines procédures lorsqu'il constate que la durée de transfert d'un lieu à un autre est anormalement longue.
Je rappelle que le contrôle du juge des libertés et de la détention, garant des libertés individuelles, est primordial puisqu'il permet de s'assurer que des étrangers retenus ne sont pas privés de leurs droits en raison de questions d'organisation administrative.
En l'espèce, c'est d'autant plus important que la privation de liberté est décidée par l'administration et non par l'autorité judiciaire. Le délai du transfert est un moment primordial pour l'étranger retenu puisqu'il correspond aux premières heures de la rétention administrative. C'est à ce moment-là que l'étranger a la possibilité de communiquer avec son conseil et ses proches.
Il est utile de rappeler, par ailleurs, que la possibilité qui lui est reconnue de contester la mesure d'éloignement qui le frappe est enfermée dans un délai court, de quarante-huit heures, s'agissant d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Autrement dit, chaque minute compte pour l'exercice des droits.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer cette disposition qui rogne un peu plus encore les droits fondamentaux des étrangers.