Intervention de David Assouline

Réunion du 4 octobre 2007 à 23h00
Immigration intégration et asile — Article 20

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d'un travail approfondi sur la question de l'identification et de la mesure des discriminations se fondant, notamment, sur une soixantaine d'auditions, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, a conclu, en mai dernier, que « la France doit améliorer son appareil statistique et [que] des réponses peuvent d'ores et déjà être apportées pour faire progresser la connaissance de notre société et, par là même, mieux lutter contre les discriminations ».

Dans cette perspective, la CNIL a formulé dix recommandations dont s'inspirent les dispositions de l'article 20 du présent projet de loi, issues d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale.

Cependant, si ces dispositions visent effectivement à transposer dans la loi une partie de ces recommandations, elles ignorent le fait que la CNIL elle-même reste réservée sur la création d'un référentiel « ethno-racial », dont l'établissement n'est pas expressément interdit par l'actuelle rédaction de l'article 20.

Par ailleurs, au terme de ses recommandations, la CNIL estimait nécessaire de modifier la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » pour lui permettre d'assurer une meilleure protection des données personnelles sensibles en garantissant le caractère scientifique des recherches et en renforçant son contrôle sur les fichiers de recherche, le recueil du consentement exprès des personnes ne constituant pas une garantie suffisante. Une telle modification ne saurait être introduite par un article perdu au milieu d'une loi sans rapport direct avec la question des discriminations.

Car, sous couvert de dispositions diverses regroupées à la fin d'un projet de loi instaurant une réforme plus que contestable du droit au regroupement familial et du droit d'asile, le Gouvernement entend bien ouvrir la possibilité de collecter ou de traiter, même de manière très encadrée, des données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques des personnes.

La question de savoir quels moyens mettre en oeuvre pour mesurer et identifier de manière appropriée les discriminations, que tous les membres de cette assemblée souhaitent combattre avec rigueur et efficacité - je l'espère en tout cas ! -, mérite mieux que ce cavalier législatif. Notre assemblée devrait pouvoir procéder à un vrai débat - il a eu lieu en partie lors de la discussion du projet de loi créant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - sur un problème qui ne pourra être réglé subrepticement par une loi ayant un autre objet.

Un débat spécifique au Parlement s'impose donc, dans le cadre de la réforme de la loi du 6 janvier 1978, réforme souhaitée par la CNIL. Les statistiques « ethniques » remettent en question notre ordre juridique et certains de nos principes républicains, fondés sur l'égalité de tous les citoyens devant la loi, « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », ainsi que l'établit l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Un débat démocratique approfondi sera d'autant plus nécessaire que le Gouvernement risque d'utiliser des études « ethniques » pour d'autres raisons que la mesure des discriminations. Sinon, pourquoi introduire ces dispositions dans cette loi ?

En tout état de cause, nous ne voudrions pas qu'une disposition adoptée à la va-vite par les assemblées vous permettent, monsieur Hortefeux, d'« ethniciser » les statistiques de la délinquance, par exemple, ou d'instrumentaliser de telles études pour justifier la scandaleuse politique de quotas qu'on nous annonce, après une révision constitutionnelle qui donnerait la possibilité au Gouvernement d'organiser un débat annuel au Parlement sur la fixation du nombre d'immigrés à accueillir par origine et qualification, en fonction de la capacité d'« absorption » des bassins d'emploi situés sur notre territoire.

C'est pourquoi nous nous opposons à l'adoption de cet article.

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