Monsieur le président, cette intervention vaudra défense de mon amendement n° 176.
Un amendement parlementaire modifie les articles 8 et 25 de la « loi informatique et libertés », qui concernent la protection des données personnelles faisant apparaître les origines raciales ou ethniques et les opinions religieuses. Il s'agit, selon les auteurs de l'amendement, de permettre de mesurer la diversité, pour mieux combattre les discriminations.
Le groupe socialiste estime qu'une modification aussi symbolique et aux finalités aussi ambivalentes n'aurait jamais due être introduite dans un texte entretenant la défiance et l'hostilité à l'égard des étrangers et des conjoints de Français.
Je ne vois pas comment le Gouvernement peut affirmer sans rougir vouloir combattre les discriminations alors que ce texte entretient et alimente à ce point le rejet de l'autre.
Pour combattre les discriminations, il existe déjà des études permettant d'en prendre la mesure. Je pense évidemment à l'étude du professeur Amadieu sur les curriculum vitae, qui a été en grande partie reprise par la commission des lois du Sénat lors de la discussion du projet de loi créant la HALDE. Je pense également à toutes les grandes études de la statistique publique permettant de retracer les trajectoires de vie de familles immigrées.
Il est donc déplacé d'invoquer une prétendue « cécité statistique ». Une étude reprise par le quotidien Le Monde, il y a un peu plus d'un an, révélait que, toutes choses égales par ailleurs, les enfants d'immigrés réussissaient aussi bien scolairement, sinon mieux, que les autres enfants. Nous disposons d'ores et déjà de données suffisamment parlantes et étayées pour nous guider dans notre action. Or je constate que les décrets d'application concernant le CV anonyme, qui reste une mesure républicaine, ne sont toujours pas sortis. Ce qui nous manque, ce ne sont pas les chiffres, c'est la volonté politique !
Par ailleurs, en l'état actuel du droit, il est déjà possible d'améliorer la mesure des discriminations. L'accès aux bases statistiques publiques est trop restreint. Or ces bases constituent un gisement de données considérable. De même, il est tout à fait possible de mener des études en prenant en compte des données objectives, telles que le lieu de naissance et la nationalité ainsi que le lieu de naissance des parents. Il est également possible de mener des enquêtes prenant en compte le patronyme.
Qu'apporte, par conséquent, cette modification ?
Elle supprime le consentement exprès des personnes interrogées et soumet de facto l'étude menée à un régime d'autorisation délivrée par la CNIL. En apparence, ce dispositif revient à accorder un régime de protection supplémentaire aux données sensibles. Dans les faits, il équivaut à une incitation à mener des études où les données personnelles serviront de variables explicatives, accréditant l'idée que le fait d'être noir scelle une communauté de destin ! Cette approche, cette vision des rapports sociaux et des trajectoires de vie s'inscrit en cohérence avec une vision communautariste de la société.
L'introduction de cet article dans le projet de loi répond à une tout autre visée que la lutte contre les discriminations, mes collègues l'ont déjà fort bien dit. Cette modification tend à permettre à votre prochaine loi sur l'immigration - car, n'en doutons pas, il y en aura une prochaine - de mettre en place le référentiel « ethno-racial » indispensable à la politique des quotas que vous appelez de vos voeux.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons accepter l'ethnicisation de la question sociale !