À cette heure, je ne développerai pas toute mon argumentation, qui est semblable à celle de mes collègues.
Jusqu'à présent, notre pays avait pris la précaution salutaire d'interdire l'introduction de toute donnée relative aux origines ethniques des personnes dans les statistiques et les bases de données. Certes, cela se fait ailleurs ! Mais on imite toujours les mauvaises idées !
Dans un texte dont le but exclusif est la discrimination et la stigmatisation des étrangers, la volonté d'affichage politique, l'introduction de cet article exhale un relent particulier.
Les recommandations de la CNIL ne suffisent pas à garantir l'innocuité de ces dispositions et, devant nous, son président s'est finalement montré assez hésitant, bien qu'il les ait justifiées. Il est vrai que certaines personnes très engagées dans la lutte contre les discriminations pensent que des statistiques prenant en compte l'origine ethnique peuvent contribuer à l'efficacité de leur combat.
En la matière, nous savons trop de quels détournements tragiques les fichiers raciaux ou ethniques peuvent faire l'objet pour considérer qu'il ne faut pas mettre le doigt dans cet engrenage ! Il existe d'autres moyens de lutte contre les discriminations - nous en avons discuté lors de la création de la HALDE -, comme les opérations de testing, bien entendu, mais surtout les recours juridiques qui doivent être développés pour permettre aux personnes de porter effectivement plainte et de mener jusqu'au bout une action en justice contre les discriminations dont elles s'estiment victimes. Tout cela mérite d'être encouragé parce qu'il est vrai que les discriminations sont nombreuses dans notre société, en général, et au travail, en particulier.
Il convient donc d'être beaucoup plus actif dans le développement des moyens de lutte contre les discriminations mais, franchement, ouvrir la possibilité de créer des fichiers raciaux et ethniques ne répond pas à la question ; d'ailleurs, le mot « race » devrait être banni de notre vocabulaire politique, du code civil, etc.
Mes chers collègues, vous vous honoreriez de ne pas soutenir cette disposition introduite par l'Assemblée nationale. En ce qui nous concerne, nous en demandons la suppression.
Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour vous demander si vous avez bien perçu l'ampleur du mouvement de protestation que suscite la création de votre Institut d'étude sur l'immigration et l'intégration. Il est vraiment regrettable de voir créer, sans aucune garantie d'indépendance, un institut de recherche placé sous l'autorité directe d'un ministère. Un nombre considérable d'universitaires condamne la création de cet institut. J'ai appris que vous aviez différé son inauguration : auriez-vous pris de conscience du caractère inacceptable de ce genre d'institution ? Pouvez-vous nous en dire plus ?