Je le répète, le projet de loi qui a été adopté par l'Assemblée nationale est issu, dans une large mesure, des réflexions de la CNIL, dont l'autorité dépasse d'ailleurs le cadre national.
Le Gouvernement s'est rallié à ce texte parce qu'il lui a paru répondre à l'objectif visé sans remettre en cause un certain nombre de principes. Je le dis là aussi très clairement et très solennellement : le Gouvernement ne soutiendrait en aucun cas un texte si son application devait entraîner un quelconque fichage de caractère ethnique.
D'après des études très sérieuses, il existe en réalité trois façons d'établir de telles statistiques de la diversité : enquêter sur la nationalité ou sur le lieu de naissance des parents et des grands-parents, enquêter sur l'origine géographique déclarée ou enquêter sur la base d'un référentiel ethnique établi par une institution publique reconnue.
Le Gouvernement, comme la CNIL et la HALDE, ne retient que les deux premières méthodes. Il est vrai qu'aller plus loin serait sans doute dangereux et peut-être mal accepté, parce qu'incompatible certainement avec la vision de la société qu'ont les Français.
Je crois que les garanties qui ont été inscrites dans le texte adopté à l'Assemblée nationale et celles que le Sénat va certainement ajouter permettront de travailler dans un cadre bien défini et parfaitement respectueux de nos principes.
Je conclurai ce propos en citant Mme Mac Dougall, émissaire de l'ONU chargé des minorités. Elle est venue en France effectuer une mission d'observation, et elle a relevé que « des pas en avant très importants » avaient été accomplis, par exemple en prévoyant d'autoriser l'établissement de statistiques selon l'origine des personnes.
J'ajouterai une précision qui n'est pas mineure à mes yeux : il n'est pas question pour nous d'instituer les minorités dans la République, mais bien au contraire d'assurer la cohésion nationale en luttant mieux contre les discriminations qui détruisent le lien social.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable aux deux amendements de suppression de l'article.
Il me semble que c'est Mme Borvo qui a évoqué la nécessité de supprimer le mot « race » dans le texte de l'article. Or, si vous lisez attentivement celui-ci, qui a été inspiré, je le redis, par la CNIL, vous constaterez que ce mot n'y figure pas. Cela étant, je vous remercie d'avoir soulevé cette question, madame la sénatrice, car cela permet de dissiper ce qui aurait pu être un malentendu.
Par ailleurs, je suis favorable à l'amendement n° 26 de la commission, mais défavorable au sous-amendement n° 74.
Malgré l'heure tardive, je voudrais développer les raisons qui me poussent à m'opposer à la proposition de Mme Boumediene-Thiery.
J'ai mené quelques consultations, qui font d'abord ressortir que l'intérêt des enquêtes visées à l'article 20 est de permettre d'étudier des échantillons larges, de manière à disposer de la meilleure « photographie » possible de la situation.
En outre, par son autorisation préalable, la CNIL préviendra les difficultés de méthode et de fond qui pourraient sinon se poser, en s'entourant si besoin est de l'avis d'un comité d'experts. C'est donc là une précaution supplémentaire pouvant répondre à vos légitimes préoccupations, madame la sénatrice.
Enfin, les personnes concernées bénéficient de tous les droits qu'organise la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés de 1978.
Voilà pourquoi je suis défavorable au sous-amendement n° 74. Cela étant, je ne mésestime absolument pas votre analyse et votre réflexion, madame Boumediene-Thiery, et je comprends bien que toutes les précautions possibles doivent être prises. Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.
En ce qui concerne l'amendement n° 177, je regrette que les propos de Mme Khiari aient été quelque peu schématiques, alors que tel n'avait pas été le cas jusqu'à présent.
Vous avez soulevé une question de fond pertinente, madame la sénatrice, qui mérite quelques commentaires.
Mesurer l'intégration ne signifiera pas classer définitivement les immigrés selon un rapport croisé entre leur origine et leur niveau d'intégration. C'est en réalité l'inverse qui est clairement recherché au travers de cette initiative. Il faut détecter les raisons pour lesquelles tel ou tel immigré est plus ou moins freiné dans son intégration. Pour le Gouvernement, et je vous demande vraiment de me croire sur ce point, les études sur la diversité doivent permettre de progresser, d'améliorer la cohésion nationale, en aucun cas l'inverse. Je suis donc défavorable à cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 27, il tend à élargir à d'autres organismes publics que l'INSEE la possibilité de mener des études sur la diversité avec l'autorisation de la CNIL. Il peut s'agir, notamment, d'établissements publics ou de services ministériels. Je suis tout à fait favorable à cet amendement.