Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au préalable, je veux moi aussi saluer la richesse et la profondeur de ce débat, qui a été très intéressant en dépit d'échanges parfois difficiles.
Néanmoins, comme d'autres de nos collègues, je n'ai eu de cesse, depuis le début de notre discussion, de rappeler le caractère discriminatoire et parfois vexatoire de ce projet de loi. J'ai insisté sur les conséquences, à court ou à long terme, de la stigmatisation des étrangers qu'il institutionnalise.
Nous l'avons souligné, ce projet de loi vise avant tout à « caresser » dans le bon sens, sans beaucoup de scrupules, l'électorat d'une certaine droite. Malheureusement, il va alimenter les peurs, les phantasmes, les suspicions.
Bien que nous ayons tenté d'en limiter les dégâts sur le papier, je crains que ce texte ne provoque un véritable revirement dans la conception qui a toujours été celle de la France en matière de politique migratoire.
Hélas ! les quelques amendements de l'opposition qui ont été adoptés ne changeront pas grand-chose à l'esprit général d'un texte qui, je le répète, reste profondément discriminatoire, vexatoire et provocateur.
Nous voterons contre ce projet de loi, parce qu'il porte en lui, me semble-t-il, les germes d'une défiance, parfois même agressive, à l'égard des étrangers, en opposant souvent le pauvre à celui qui l'est encore plus.
Dans ce projet de loi, il est acté que l'étranger doit être contingenté, fiché, comptabilisé, parfois même réduit à un numéro, en oubliant sa dignité et son droit au respect.
Ce projet de loi est révélateur de la nouvelle démarche du Gouvernement. Pour vous, monsieur le ministre, l'étranger devient presque une marchandise, comme le montre la référence qui est faite aux quotas, comme si l'on parlait de blé, de lait ou d'un bien que la France ferait entrer sur son territoire selon ses besoins, ses envies et les nécessités d'un marché que j'éprouve, d'ailleurs, des difficultés à identifier !
La France souhaite s'inscrire dans une concurrence internationale des biens et des services. Si l'on vous suit, monsieur le ministre, il faudra donc désormais compter une nouvelle catégorie de biens : l'étranger.
Visiblement, l'obsession du fichage ne s'arrête ni à la question de l'ADN ni à celle du regroupement familial. J'en offrirai un exemple concret, avéré et révélateur de la traque qui s'organise aujourd'hui autour des étrangers : les 14 mai et 20 septembre derniers, la chancellerie a adressé aux chefs de cour et de juridiction des notes les obligeant à comptabiliser les décisions civiles prises en matière de contentieux des étrangers. Comme l'a souligné tout à l'heure Mme Assassi, il s'agit de recenser des données nominatives, afin de nourrir on ne sait quel fichier.
La traque aux étrangers que j'évoquais n'est plus une vue de l'esprit : nous entrons dans une spirale infernale qui m'inquiète et qui implique non pas seulement les autorités administratives, mais aussi, désormais, les magistrats.
Monsieur le ministre, que vous soyez ou non en cause dans cette affaire, je rappelle, à toutes fins utiles, que les principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice mériteraient que l'on s'interroge à ce sujet !
En effet, dans quel désastre humain et social veut-on précipiter la France ? Permettez-moi de rapprocher cette action de la chancellerie des objectifs assignés par votre ministère : plus qu'une conception de l'immigration, c'est un statut de l'immigré que vous dessinez, qui se définit par la précarité, l'absence de dignité et la marchandisation.
Pour conclure, après les instructions chiffrées données aux préfets en matière de reconduite à la frontière, que la presse a récemment rapportées, après les chiffres relatifs à l'immigration économique imposés par le Président de la République, je me demande jusqu'où ira l'arithmétique de votre Gouvernement !
Au nom de l'humanisme, du respect du droit à la dignité des étrangers, du principe d'égalité et du droit à une vie familiale normale, les Verts voteront contre ce projet de loi.