Le faible succès de la carte « VIP », que j'ai évoquée au début de mon intervention, en est la preuve.
Qui peut raisonnablement penser que la perspective d'une simple carte de séjour de trois ans, même étendue à leurs proches - c'est tout de même la moindre des choses ! -, rendra plus attrayante pour les ressortissants des autres pays une France qui se ferme, soupçonneuse envers les étrangers dont elle rogne les droits tous les deux ou trois ans ?
Ce n'est pas l'une des moindres contradictions de ce texte que de prétendre attirer plus d'étrangers en particulier tout en rendant plus difficile la vie des étrangers en général !
Les compétences et les talents vont là où ils sont bien accueillis, où ils peuvent se loger, disposer des moyens d'effectuer leurs études ou leurs recherches, travailler dans de bonnes conditions en étant rémunérés en conséquence et, d'une manière générale, là où on ne les prend pas pour des délinquants potentiels !
Lorsque nous voyons la misère de nos universités et de nos laboratoires, les difficultés de nos hôpitaux et les conditions de travail proposées aux médecins étrangers, nous comprenons que les ressortissants des autres pays hésitent, préférant des climats plus froids mais plus accueillants à celui de la « douce France » !
Pour les attirer tout en leur permettant de conserver des liens réguliers avec leurs pays d'origine, une carte de trois ans ne suffit pas. Un visa permanent garantissant leur libre circulation constituerait un bien meilleur stimulant du codéveloppement, qui est le seul traitement de fond pour les déséquilibres dont se nourrissent les flux migratoires, comme chacun en convient ici.
Si rien n'est gagné d'avance, ce visa serait autrement plus efficace que l'obligation purement théorique faite à certains titulaires de la carte « compétences et talents » d'apporter - je cite le texte modifié par l'Assemblée nationale - « [leur] concours, pendant la durée de validité de la carte, à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont [ils ont] la nationalité ».
Bricolage routinier de dispositifs administratifs, judiciaires et policiers anciens, rehaussé d'une rhétorique qui n'est nouvelle que pour ceux qui ont oublié leur histoire de France, dispositif qui réduira l'immigration légale visible au prix d'une augmentation de l'immigration illégale, bien plus délétère, projet de loi dépourvu de moyens nouveaux et d'étude préalable sérieuse des résultats des textes qui l'ont précédé et des politiques étrangères dont il est censé s'inspirer, ce soixante et onzième rafistolage de l'ordonnance de novembre 1945 ne permettra pas d'atteindre l'objectif affiché, à savoir la séparation du bon grain de l'ivraie des flux migratoires.
Monsieur Gélard, le problème est non pas de choisir entre faire et ne pas faire, mais d'agir efficacement en respectant ce que nous sommes. Il y a pire que ne rien faire : c'est faire semblant de faire !
M. le ministre de l'intérieur entend gonfler les voiles du vaisseau France en interdisant au vent de circuler !
Mes chers collègues, vous comprendrez que je vous propose de surseoir à l'examen d'un projet de loi aussi ambitieux que son auteur, mais contradictoire.