Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire tendu, le budget de la défense est solide, cohérent en cette première année de mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et conforme, pour la quatrième année consécutive, à la LPM, la loi de programmation militaire, puisqu'il respecte les engagements de la nation envers son armée.
Tout d'abord, ce budget est solide, et je le situerai en faisant du benchmarking.
La France consacre 1, 7 % de son revenu national à la défense. Certes, c'est plus que la plupart des pays européens, à l'exception de la Grande-Bretagne, mais l'Europe, dans son ensemble, fait deux fois moins bien que les Etats-Unis, dont le budget relatif à la défense atteint 3, 4 % du PIB.
La stabilisation de l'effort budgétaire en matière de défense suit une période de forte régression ; de même, une nouvelle définition du format de la défense a été proposée.
Actuellement, le budget de la défense est le troisième budget de l'État, avec 36 milliards d'euros, soit 600 euros consacrés par chacun de nos concitoyens à la sécurité extérieure.
Ensuite, ce budget est cohérent dans sa structure. Son périmètre comprend désormais les pensions militaires. La contribution de l'État employeur s'élève à 100 % du montant des pensions militaires, alors que la part n'est que de 50 % dans le secteur civil.
À la suite d'un amendement gouvernemental, ce budget n'intègre plus cette année les crédits de la gendarmerie nationale. La commission des finances est favorable à cette décision cohérente dans la mesure où le statut militaire de la gendarmerie nationale reste affirmé. À cet égard, je note que la gendarmerie nationale participe aux OPEX, les opérations extérieures, comme les autres militaires.
La structuration par programmes de la mission « Défense » présente la spécificité de prévoir un programme « Équipements des forces », doté de 10, 6 milliards d'euros. Mes chers collègues, le budget de la défense est le seul budget de l'État où la part investissements est essentielle. En effet, celui-ci regroupe environ 79 % des crédits d'équipement inscrits dans le budget général.
À cet égard, certains se sont demandé s'il fallait créer un tel programme. Sans revenir sur les différentes controverses qui ont animé ce budget, le découpage que vous proposez, madame le ministre, me semble conforme aux droits du Parlement.
En effet, dans le domaine de la défense, le Parlement doit rendre un arbitrage entre le présent, avec la préparation et l'emploi des forces, et le futur, une prospective à très long terme puisque la durée de vie d'un équipement militaire peut atteindre quarante ans ou cinquante ans. Cet arbitrage relève non pas d'une fongibilité asymétrique au sein du ministère des armées, mais des prérogatives du Parlement. Par conséquent, la commission des finances est tout à fait favorable à ce découpage.
Enfin, ce budget est conforme à la LPM, et j'en approuve les trois grandes priorités.
La première priorité concerne la recherche. Un effort est consenti en faveur notamment des études amont, dont les crédits sont passés de 350 millions d'euros en 2004 à 600 millions d'euros cette année ; ils atteindront même 700 millions d'euros en 2008. Au moment où la commission des finances examine le projet de loi de programme pour la recherche, n'oublions pas cette composante essentielle. On voit la qualité des laboratoires, notamment en matière de recherche nucléaire ; je pense, par exemple, au LETI de Grenoble, le laboratoire d'électronique de technologie de l'information. Il ne faut pas négliger cet effort en matière de recherche duale.
La deuxième priorité concerne le maintien en condition opérationnelle des forces armées, le MCO.
Nous avons connu, il faut bien le reconnaître, des situations critiques. Au début de l'année 2004, un seul sous-marin nucléaire d'attaque sur six était disponible. La situation s'est considérablement améliorée. L'effort ainsi réalisé se poursuit cette année, afin de résoudre une crise qui revêtait un caractère non seulement financier, mais également institutionnel. La mise en place du SSF, le service de soutien de la flotte, et de la SIMMAD, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, a contribué à cette réussite.
Après la reconstitution, au cours des années précédentes, du potentiel de l'armée de l'air, votre troisième priorité porte, madame le ministre, sur les grands programmes navals.
L'année dernière, on a lancé le programme des FREMM, les frégates européennes multi-missions ; cette année, nous mettons en place le programme Barracuda. Les sous-marins nucléaires d'attaque constituent le capital ship de toute marine, qui s'appuie aussi sur les porte-avions. Les crédits relatifs au lancement du second porte-avions sont engagés.
Je formulerai maintenant un certain nombre d'observations relatives à la pluriannualité et à la recherche de la performance.
Il y a bien longtemps, selon Robert Mac Namara, le budget de la défense devait s'organiser autour d'une stratégie de planification à long terme, de programmation à moyen terme et de budgétisation à court terme. Au fond, nous suivons ce schéma, mais de façon quelque peu rigide.
S'agissant de la planification, la question est de savoir quel sera le futur format des armées. Certes, le format est prévu jusqu'en 2015, mais nous devons commencer à réfléchir - et je suis sûr que vous le faites, madame le ministre - sur l'inflexion que nous voulons lui donner face aux nouveaux risques mondialisés. Nous avons mis l'accent sur la projection de forces. Mais ne devrions-nous pas nous tourner davantage vers la protection du territoire national ?
Par ailleurs, s'agissant des risques de prolifération, nous avons porté notre effort sur la dissuasion. Mais, à l'échelle de notre continent, ne devrions-nous pas plutôt réfléchir à la lutte antimissile ? À terme, ces questions se poseront.
Quant à la programmation à moyen terme, je dois dire que ce cadre d'action nous est imposé par les institutions.
Au fur et à mesure que nous avançons dans le déroulement de la LPM - comme je l'ai indiqué, au début de mon propos, nous appliquons cette loi pour la quatrième année consécutive -, nous voyons sa visibilité à moyen terme s'atténuer.
En effet, au titre des autorisations d'engagement et en matière de planification des investissements, nous constatons que nous allons aujourd'hui voter des tranches de programmes dont nous ne connaissons pas le devis complet, alors que celui-ci est en partie classifié. À cet égard, vous pourrez peut-être, madame le ministre, nous indiquer le coût global d'un programme tel que le programme Barracuda.
Ensuite - et cela n'est pas le fait du budget de la défense -, sur les 150 milliards d'euros votés au titre des engagements pour les programmes en cours, 10 milliards d'euros seront couverts par les crédits de paiement inscrits dans le projet de budget pour 2006, mais 37 milliards d'euros resteront à financer. Le bleu budgétaire ne présente pas d'échéancier de paiement. Pour améliorer la visibilité du budget à moyen terme, la France devra revenir sur les procédures de programmation en matière d'équipement en acceptant une programmation glissante triennale.
S'agissant, enfin, de la budgétisation à court terme, vous avez consenti un effort important, madame le ministre, en essayant de réduire ce que l'on appelle « la bosse des reports » des crédits de paiement, qui s'élevait l'an dernier à 2, 9 milliards d'euros.
Celle-ci devrait diminuer du fait de la budgétisation progressive des OPEX et de l'utilisation effective des fonds de concours ainsi que du rattrapage des reports de la précédente loi de programmation. En commission des finances, vous avez indiqué, madame le ministre, que vous comptez sur les instructions du Président de la République pour pouvoir utiliser et consommer ces reports d'ici à trois ans, nous nous en réjouissons.
Madame le ministre, vous avez accompli cette année un effort considérable pour les OPEX. Nous espérions une budgétisation de 250 millions d'euros. Or, à la suite d'un engagement que vous présenterez tout à l'heure, cet effort sera réduit provisoirement, je l'espère, à 175 millions d'euros. Je le comprends fort bien, la fongibilité au sein du programme « Préparation et emploi des forces » permettra sans doute de compenser le mieux possible cet effort dans d'autres postes. Tel est mon souhait, mais nous en reparlerons sans doute tout à l'heure.
J'en arrive maintenant à la performance et à l'efficacité de notre effort en matière de défense.
La commission des finances a étudié les indicateurs de performance proposés. Ils sont très utiles pour ce qui concerne l'état d'avancement physique de certains programmes. Par ailleurs, les indicateurs concernant la disponibilité des équipements permettent non seulement d'améliorer, comme je l'ai déjà souligné tout à l'heure, la MCO, mais surtout d'apprécier la réalisation des contrats opérationnels, ce qui témoigne de la volonté du ministère de la défense de programmer la performance au sein des forces armées. Je regrette cependant que ces indicateurs soient plus institutionnels ou financiers que militaires, car l'efficacité est aussi militaire.
Je sais que le programme envisagé est très vaste. Toutefois, il ne faudrait pas tomber dans un excès de juridisme. La construction de la ligne Maginot aurait sans doute présenté d'excellents indicateurs de performance.
Cela étant dit, l'efficacité de notre effort de défense dépend de la productivité de l'industrie d'armement. Nous avons très largement fait en sorte que GIAT-Industries et DCN-SA, grâce à des mises de fonds importantes, soient redressés. Nous attendons également le rapprochement de Thales et de DCN-SA.
La fabrication en série nous permettra d'abaisser les coûts unitaires et d'améliorer la productivité. Pour cela, la réalisation de programmes européens dans le cadre de l'OCCAR, l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, est nécessaire. C'est grâce aux programmes de coopération comme ceux qui concernent les frégates multimissions, pour lesquelles un contrat a été signé, ou l'avion de transport militaire A400M, que nous arriverons à obtenir des résultats.
Madame le ministre, voilà ce que je souhaitais dire au sujet de la pluriannualité et de la performance.
J'ai la conviction qu'il faudra accroître la visibilité à long terme de votre budget ; mais en attendant et au regard de l'instabilité de la situation internationale actuelle et future, de l'engagement de nos troupes sur de nombreux théâtres d'opérations à qui je veux rendre particulièrement hommage, de l'effort de redressement que vous avez entrepris et continué, la commission des finances a donné un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense ».