Tout d'abord, je me réjouis du débat de grande qualité qui se tient en ce moment même dans cette enceinte, même si certains membres de la Haute Assemblée ont employé, à un moment ou à un autre, un ton polémique ou ironique. Sur le fond, chacun a mené, depuis hier, une réflexion d'excellent niveau et a apporté sa contribution au traitement de la question du codéveloppement ; je tiens à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.
Bien évidemment, vous me blessez, madame Cerisier-ben Guiga, lorsque vous dites que je parle sur un ton méprisant de l'argent que les immigrés envoient à leur famille pour leur consommation quotidienne, même si je ne vous en tiendrai pas rigueur. Il n'y a aucun mépris de ma part : cet amendement laisse d'ailleurs aux intéressés la possibilité d'ouvrir ou non ce compte épargne et de bénéficier de l'avantage fiscal qui y est lié s'ils contribuent au codéveloppement de leur pays. En aucun cas, il ne s'agit de priver ces personnes d'exercer leur libre arbitre ; elles pourront utiliser le fruit de leurs revenus comme elles l'entendent. Je vous en conjure, n'utilisez pas le terme « mépris » car, en la circonstance, il ne convient vraiment pas.
Ce débat, plus qu'un autre, doit témoigner de l'humanité de notre pays en replaçant l'homme au coeur de nos préoccupations.
De même, monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, vous me demandez sur un ton quelque peu polémique si ce dispositif s'adresse à l'immigration choisie ou à l'immigration subie. Voyons, dépassons la polémique, car nous sommes au coeur du débat ! Comme vient de le souligner M. Hyest, les détenteurs de la carte de séjour « compétences et talents » pourront plus encore que d'autres faire profiter leur pays d'origine du dispositif qui va être voté.
Monsieur Frimat, je vous remercie d'avoir exposé avec beaucoup de modération et dans un esprit très constructif la position de votre groupe. Et même si je suis pratiquement convaincu que vous vous y tiendrez, je veux encore espérer, dans mes rêves les plus fous, pouvoir vous convaincre.
En fait, ce qui se passe aujourd'hui dans cette enceinte n'arrive pas par hasard. L'amendement de Jacques Pelletier n'est pas fortuit. Il est le fruit du long travail que celui-ci a mené depuis de nombreuses semaines, voire de nombreux mois, avec ses collègues cosignataires, ce dont je tiens à les remercier.
Lors de l'ouverture de la discussion de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, Nicolas Sarkozy a d'emblée annoncé que le débat ne faisait que commencer et que les membres de la Haute Assemblée devraient jouer les arbitres et trancher définitivement cette question. C'est dire toute la confiance que M. le ministre d'État a placée en vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Toutefois, je le reconnais, nous ne disposions pas alors de tous les éléments d'évaluation nécessaires. Nicolas Sarkozy avait donc souligné qu'il avait besoin du laps de temps séparant les lectures des deux chambres pour apporter à la représentation nationale toutes les précisions que vous venez de me demander, monsieur Frimat.
Un débat a été engagé à partir de la proposition de Jean-Pierre Brard, au nom du groupe des députés communistes et républicains de l'Assemblée nationale, lequel avait parfaitement compris que ce délai était nécessaire, et de Jacques Godfrain au nom du groupe de l'UMP.
Une mission a donc été confiée à Charles Milhaud, président du directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne et, parallèlement, le ministre d'État a pu rencontrer les ambassadeurs des pays africains à Paris et se rendre dans un certain nombre de pays africains tels que le Mali ou le Bénin, afin de discuter avec leurs chefs d'État pour mieux comprendre le mécanisme des échanges. Forts de ces analyses et ne voulant pas mettre les services de Bercy devant le fait accompli, nous avons demandé à ces derniers de procéder à une évaluation, afin de pouvoir vous apporter des éléments précis en la matière. L'amendement de Jacques Pelletier ne sera donc pas adopté par la Haute Assemblée sans que nous ayons reçu au préalable des assurances fortes de Bercy.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez exigé que les décrets d'application soient pris le plus rapidement possible. Je puis vous dire que des évaluations précises, que je vous livrerai dans quelques instants, vous apporteront la garantie que les décrets d'application suivront le vote de ce dispositif. Monsieur Dreyfus-Schmidt, le seul risque que les décrets ne soient pas publiés serait que cet amendement ne soit pas adopté...
Ce nouveau produit financier permettra aux travailleurs étrangers originaires de pays en voie de développement résidant en France de placer leur épargne sur un compte bloqué. Je le répète, il ne s'agit en aucun cas d'une obligation. Madame Cerisier-ben Guiga, les personnes souhaitant tout simplement adresser le fruit de leurs revenus à leur famille pour leur consommation quotidienne pourront parfaitement continuer de le faire. Les sommes épargnées seront déduites du revenu imposable à concurrence de 25 % des revenus, dans une limite de 20 000 euros par personne. Les sommes ne pourront être débloquées que si l'épargnant justifie d'un investissement dans les pays en voie de développement, à savoir notamment une prise de participation dans des entreprises locales, le rachat de fonds de commerce ou le versement à des fonds d'investissement dédiés au développement.
Monsieur Frimat, comme je l'ai indiqué, ce nouveau dispositif a été évalué par les services de Bercy. Je demande à chacune et à chacun d'entre vous d'être particulièrement attentif aux chiffres que je vais donner, car vous devrez mesurer tout à l'heure, lors du vote, à quel point l'adoption de cet amendement va engager notre pays dans la mise en place d'un dispositif jamais égalé par le passé. J'y insiste, car il s'agit d'une grande première. Ne pensez pas qu'en essayant de vous convaincre, monsieur Frimat, je tente aussi, par la même occasion, d'obtenir une caution sur l'ensemble du texte. J'ai bien compris que, sur le projet de loi, il y a un désaccord politique entre votre groupe politique, le groupe CRC et le Gouvernement.