Intervention de Michel Dreyfus-Schmidt

Réunion du 7 juin 2006 à 21h30
Immigration et intégration — Article 1er bis

Photo de Michel Dreyfus-SchmidtMichel Dreyfus-Schmidt :

L'article 1er bis a fait, tant à l'Assemblée nationale qu'au sein de la commission des lois, l'unanimité contre lui, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

M. le ministre a déclaré à l'Assemblée nationale qu'il s'agissait de donner satisfaction aux représentants des associations chrétiennes qui auraient demandé la création de ce conseil.

J'ai pris connaissance de la lettre adressée aux parlementaires émanant de cinquante associations chrétiennes, sans y trouver aucune trace d'une telle demande.

En revanche, son contenu mérite d'être repris car il correspond très précisément à notre propre vision de l'ensemble de ce projet de loi, comme en témoigne l'extrait suivant : « Cette réforme s'inscrit délibérément dans une perspective utilitariste. Seront acceptables en France les étrangers perçus comme nécessaires pour l'économie, la personne humaine et sa situation personnelle devenant secondaires et ses droits restreints. Il est de notre devoir de chrétien de rappeler que l'homme doit toujours être au coeur de nos choix, et la loi toujours viser à protéger les plus faibles. Les premiers à subir la migration sont ceux et celles qui sont poussés sur les routes de l'exil, contraints par la pauvreté et la mauvaise gouvernance. Le bien commun, qui ne se limite pas à nos frontières, exige de marquer une priorité réelle et proclamée pour le développement, notamment pour que nul ne soit obligé d'émigrer contre sa volonté. L'aide au développement dans le monde et l'accueil de l'étranger sont devenus des responsabilités majeures qui supposent une solidarité accrue et une remise en cause de nos modes de vie. »

Puis, le document développe une analyse des principales modifications prévues par le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration. Sous le titre « De graves atteintes au respect de la vie privée et familiale », les auteurs livrent les remarques suivantes au sujet du conjoint étranger d'un Français et de l'obligation de présenter un visa de long séjour pour accéder au séjour : « Cette condition revient à obliger le conjoint de Français, dépourvu d'autorisation de séjour, à repartir chercher un visa de long séjour. Cela implique une séparation du couple - alors même que la délivrance du titre est conditionnée à la communauté de vie ! - pendant une durée impossible à déterminer étant donné les difficultés à obtenir un tel visa, des frais importants autant qu'inutiles, un retour impossible pour ceux qui encourent des risques dans leur pays d'origine... Toutes ces raisons amènent à penser que de nombreux conjoints de Français préféreront rester en France sans titre de séjour : inexpulsables après plusieurs années de vie commune, ils viendront grossir les rangs des sans-papiers. »

Sur la suppression de la délivrance de la carte de résident de plein droit, on peut lire les observations suivantes : « Jusqu'alors, le conjoint de Français obtenait de plein droit une carte de résident de dix ans au bout de deux ans de mariage. La suppression de cette mesure maintiendra plus longtemps les conjoints de Français dans un statut précaire... »

La suppression de la régularisation après dix ans de présence habituelle en France est commentée en ces termes : « Cette disposition, qui accordait le séjour après dix ans en France, plus ou moins en règle, n'était pas une « prime à la clandestinité », mais bien la reconnaissance des attaches personnelles nouées par un étranger ayant vécu de longues années dans notre pays et donc vivant une intégration de fait. Sa disparition va enfoncer dans la précarité et la clandestinité des étrangers qui vivent depuis longtemps en France. Loin de limiter le nombre des sans-papiers, elle risque de créer, au contraire, des hors-la-loi à perpétuité. »

En ce qui concerne l'admission au séjour au titre des liens personnels et familiaux en France, le texte poursuit ainsi : « La carte de séjour temporaire vie privée et familiale rend la loi française compatible avec les obligations issues de la Convention européenne des droits de l'homme - article 8. Le projet de loi cumule les conditions qui rendront très difficile l'accès à cette carte pour ceux dont les liens personnels ou familiaux sont établis dans notre pays. Il exige d'un sans-papiers qu'il justifie à la fois de conditions d'existence - donc ressources, logement... - et d'une insertion. Cela revient à demander à une personne dépourvue de titre de séjour, et qui vit par définition dans une situation précaire, de remplir des conditions qui ne peuvent concerner que des personnes déjà installées légalement en France. Le fait de ne pas maîtriser le français pourrait être facteur d'exclusion. Cela est d'autant plus paradoxal que, régularisée, la personne pourrait justement contribuer aux ressources de la famille et bénéficier de l'aide prévue pour son insertion. »

Les dispositions concernant le regroupement familial suscitent les réflexions suivantes : « Les conditions du regroupement familial sont durcies. L'étranger doit déjà répondre de conditions de vie que de nombreux Français n'atteignent pas, notamment en termes de logement et de ressources, le projet de loi excluant certaines allocations des ressources prises en compte pour ce regroupement. Le délai pour le solliciter est allongé à dix-huit mois - deux ans, selon le discours de présentation du projet de loi. Le conjoint et les enfants entrés en France par regroupement familial devront attendre trois ans pour pouvoir solliciter une carte de longue durée, délivrée de façon discrétionnaire par la préfecture. Enfin, le projet de loi allonge la durée de dépendance totale du conjoint regroupé puisque, si le couple se sépare pendant trois ans suivant ce regroupement au lieu de deux, son titre de séjour pourrait être retiré. »

Si je ne craignais de dépasser mon temps de parole, je pourrais citer également les analyses faites par les auteurs à propos de la reconnaissance d'un enfant français, notamment à Mayotte, ainsi que d'autres remarques tout aussi dignes d'intérêt.

Je veux néanmoins souligner que si autant d'associations chrétiennes ont souscrit à cette analyse, qui est identique à la nôtre, c'est que notre propre vision du projet de loi n'est pas tellement absurde.

Ce point devait être mis en évidence, et il sera sans doute rappelé au cours du débat.

Les documents dont je viens de vous livrer des extraits montrent aussi que ces associations n'ont jamais réclamé l'instauration d'un conseil supplémentaire. Ce serait même leur faire injure que d'en prévoir la création au prétexte de leur faire plaisir, sans rien retenir de leurs autres suggestions.

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