Vous est-il possible de dissiper cette inquiétude, madame le ministre ?
Le deuxième point concerne l'avenir, monsieur Boulaud, c'est-à-dire la prochaine programmation militaire.
L'arrivée à maturation de nombreux programmes majeurs d'équipement nécessitera de mobiliser des ressources, au minimum égales, voire supérieures, à ce qu'a prévu l'actuelle loi de programmation militaire, pour la fabrication des équipements neufs indispensables à la modernisation de notre outil militaire.
Nous devrons également sanctuariser dans ce budget une enveloppe suffisante pour la recherche et la technologie, et l'effort entrepris en ce sens ces dernières années devra être poursuivi.
Enfin, il faudra nourrir le poste, de plus en plus gourmand en crédits, du maintien en condition opérationnelle. On connaît, là encore, les causes de cette envolée des coûts d'entretien, que ce soit la sophistication croissante des nouveaux équipements ou le vieillissement d'une partie importante de nos matériels.
Madame le ministre, vous avez engagé une mission d'évaluation sur ce point et vous envisagez une stratégie contractuelle avec les industriels pour tenter d'intégrer désormais cette charge d'entretien dans le coût d'acquisition des équipements. Il est souhaitable que cette démarche soit couronnée de succès, car l'évolution préoccupante de ces coûts d'entretien pourrait finir par compromettre la bonne allocation des ressources dédiées au renouvellement des équipements proprement dits.
Ainsi, alors que nous entrons dans la seconde moitié de la loi de programmation, nous voyons bien les contraintes fortes qui pèsent sur la réalisation de notre nouveau modèle d'armée. Elles exigeront une grande continuité dans l'effort budgétaire et une recherche constante de l'optimisation des moyens, à laquelle le ministère de la défense s'emploie activement, à travers les nombreuses réformes engagées ces derniers mois et, en particulier, le renforcement des prérogatives du chef d'état-major des armées.
Ce budget s'inscrit également, comme la programmation militaire elle-même, dans la construction de l'Europe de la défense. Cette dernière, dans une Union européenne un peu atone depuis quelques mois, continue de vivre et de progresser.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses opérations militaires ou civiles que l'Union a menées ces dernières années, et qu'elle continue de mener, notamment en Afrique et en Europe. On peut y ajouter la mission civile qui vient de lui être dernièrement confiée pour la supervision de la frontière entre l'Égypte et Gaza, au point de contrôle de Rafah.
De même a été décidée la constitution de dix-huit groupements tactiques interarmées de mille cinq cents hommes, qui seront l'ossature de sa capacité de réaction rapide. Par ailleurs, une nouvelle étape a été récemment franchie vers un marché européen des équipements de défense, plus transparent et plus fluide, avec l'adoption d'un « code de conduite » piloté par l'Agence européenne de défense. Cette Agence suscite d'ailleurs beaucoup d'attentes.
Pouvez-vous dire, madame le ministre, quelles avancées concrètes nous pouvons en espérer dans les prochains mois, notamment sur le renforcement de démarches communes en matière de programmes de recherche ou d'équipement ?
Activement engagée dans cette Europe de la défense, la France l'est aussi opportunément au sein de l'OTAN : elle l'est dans ses nouveaux commandements, celui de la Force de réaction rapide ou celui de la transformation de l'Organisation. Elle l'est aussi dans ses opérations militaires au Kosovo, ainsi qu'en Afghanistan, où, avec la force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, chargée de conforter la stabilisation du pays, l'OTAN effectue, pour la première fois, une importante opération « hors zone ».
Cette opération de l'OTAN en Afghanistan est symbolique, car elle soulève plusieurs questions.
La première, immédiate, concerne les conditions d'extension territoriale de la FIAS, vers le sud, puis vers l'est du pays, où, jusqu'à présent, c'est la mission « Liberté immuable », sous commandement américain, qui est en charge de combattre les terroristes et les combattants talibans. Cette extension territoriale sera-t-elle, sur le terrain, compatible avec la spécificité de chacune des deux missions, l'une de guerre, l'autre de stabilisation ?
La seconde question est plus large et porte sur le rôle futur de l'OTAN, qui semble depuis quelque temps traverser une crise d'identité. Ainsi, cette première opération « hors zone » restera-t-elle l'exception ou bien en annonce-t-elle d'autres, au Proche-Orient ou en Afrique ? Quelle utilisation opérationnelle sera faite de sa nouvelle Force de réaction rapide ? Plus généralement, l'éventail de ses missions doit-il s'élargir au delà de sa compétence militaire ? L'Alliance doit-elle être ce « lieu où les Etats membres doivent se tourner en premier pour traiter des questions politiques et de sécurité communes », comme l'a récemment déclaré la nouvelle Chancelière d'Allemagne ?
Ces thèmes seront au coeur du sommet de l'OTAN prévu à la fin de l'année prochaine. Il serait intéressant, madame le ministre, que vous nous rappeliez la position de la France sur ces différentes questions, dans la mesure même où, dans la logique de complémentarité qui lie la défense européenne à l'Alliance, l'évolution de celle-ci affectera nécessairement celle-là.