Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour prendre acte du changement constitutionnel intervenu à l'égard des collectivités territoriales à statut particulier qui sont désormais rattachées à la catégorie des collectivités d'outre-mer de la République, visée à l'article 74 de la Constitution, le présent avis de la commission des lois ne contient plus de développements consacrés à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'évolution du périmètre de cet avis n'est cependant pas terminée. Sur le plan institutionnel, la consultation des populations de Guadeloupe et de Martinique, ainsi que celles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, intervenue le 7 décembre 2003, a constitué un événement majeur.
En effet, à la suite de la « déclaration de Basse-Terre » du 1er décembre 1999 et de la réunion des élus en Congrès tant à la Martinique qu'à la Guadeloupe le 7 décembre 2003, sur décision du Président de la République après proposition du Premier ministre, et après la tenue d'un débat parlementaire le 7 novembre 2003, les populations de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été consultées sur l'évolution institutionnelle et statutaire de leur collectivité respective. De telles consultations n'ont pas eu lieu à la Réunion et en Guyane, la Réunion ayant refusé, par un vote sans appel, toute évolution institutionnelle et les élus de Guyane n'étant pas parvenus à un projet commun de réforme pour leur collectivité.
Ces consultations sont intervenues dans le cadre de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à l'organisation décentralisée de la République, issues de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, particulièrement des articles 72, 73 et 74.
Contrairement aux résultats intervenus le même jour dans les îles du nord de la Guadeloupe - Saint-Martin et Saint-Barthélemy -, la consultation s'est soldée par le refus des populations concernées de voir les départements et régions de la Guadeloupe et de la Martinique transformés en collectivités uniques.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, j'avais estimé, dans mon rapport écrit, « qu'un vote favorable des électeurs lors de ces consultations n'était pas nécessairement acquis, certains électeurs pouvant avoir tendance à concevoir une telle évolution comme un lâchage de la métropole ».
Contrastant avec les consultations tenues en Guadeloupe et en Martinique, le conseil municipal de Saint-Martin a adopté, les 20 février et 31 juillet 2003, un projet d'évolution statutaire tendant à substituer à la commune de Saint-Martin une collectivité d'outre-mer, au sens de l'article 74 de la Constitution.
Le conseil municipal de Saint-Barthélemy en a fait de même les 30 avril et 8 août 2003.
Dans les deux communes, une très large majorité des électeurs s'est prononcée en faveur de cette évolution statutaire en vue de la création d'une collectivité d'outre-mer sortant du cadre départemental et régional, dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.
Devant ce vote positif des électeurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, madame la ministre, vous avez déclaré, lors de votre audition par la commission des lois, que les avant-projets de lois organique et ordinaire portant statut de ces collectivités étaient en cours d'élaboration.
Je vous renvoie à la lecture de mon rapport écrit pour les détails concernant le partage des compétences entre les assemblées locales et la République, sur lesquels je n'insiste pas.
Mais, en réponse à une question de notre commission, Mme la ministre a indiqué que le nouveau statut ne pourra conduire à la création d'un « paradis fiscal », dans la mesure où l'Etat conservera la maîtrise des droits bancaire, commercial et pénal, ainsi que des règles concernant la recherche et la constatation des infractions.
Les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin devraient donc disposer rapidement d'une organisation territoriale adaptée à leurs spécificités. Une mission de la commission des lois du Sénat, conduite par son président, Jean-Jacques Hyest, se rendra du 9 au 15 décembre 2004 dans ces deux îles, afin d'évaluer, sur place, la pertinence de l'évolution statutaire envisagée au regard des particularités économiques, géographiques et historiques respectives de ces collectivités.
Je souhaite, monsieur le président de la commission des lois, que, à Saint-Martin, vous soyez attentif au problème posé par les multiples casinos - une quinzaine - situés en zone hollandaise - quand je me suis rendu sur place voilà quelques années, il n'y en avait que sept -, qui risquent de faire tache d'huile, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour nos concitoyens. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter quelques apaisements sur ce point ?
Dans le rapport écrit de la commission des lois sont également examinées les améliorations apportées à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat dans les départements et régions d'outre-mer.
D'abord, dans la lutte contre la délinquance et l'immigration clandestine, des résultats sensibles ont été obtenus avec une diminution globale de la criminalité de 2, 23 % et une augmentation de 53, 50 % du nombre des reconduites à la frontière ou expulsions, notamment en Guadeloupe, par rapport à 2002. Plusieurs membres de la commission des lois se sont rendus en Guadeloupe et ont pu constater l'importance de l'immigration clandestine.
Ensuite, malgré l'amélioration de la situation des juridictions, la situation dans les prisons outre-mer, où le taux d'occupation moyen dans les établissements pénitentiaires des quatre départements d'outre-mer s'élève à 143, 2 % contre 136, 1 % l'année précédente - c'est une augmentation notable - reste alarmante. C'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé, madame la ministre, de lancer la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, notamment la maison d'arrêt de Doemenjod à la Réunion.
En revanche, nous nous réjouissons que le présent projet de budget encourage la construction de logements sociaux et la résorption de l'habitat insalubre, 10 % des crédits du budget du ministère y sont consacrés, Mme Payet l'a souligné il y a un instant, de même que sont augmentés les crédits destinés à assurer la continuité territoriale dans les DOM.
Le dispositif du passeport mobilité est une réussite : il a bénéficié, en 2003, à 8 170 personnes, pour un coût de 5, 4 millions d'euros. Quant à la dotation de continuité territoriale, elle a représenté 21, 04 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances maintient pour l'ensemble de l'outre-mer 11 millions d'euros de dotation pour le passeport mobilité et 30, 98 millions d'euros au titre de la dotation de continuité territoriale, qui s'accroît ainsi de 3, 3 % par rapport à l'année précédente.
La commission des lois souligne également dans son rapport l'effort du projet de budget en faveur des collectivités territoriales, les actions en faveur des personnes les plus démunies, ainsi que les mesures de défiscalisation. Elle dresse un tableau des avantages consentis au profit des fonctionnaires dans les départements et régions d'outre-mer, dont a parlé notre collègue Henri Torre. Elle estime qu'une réflexion doit être engagée sur ces différents dispositifs conçus, pour l'essentiel, dans les années cinquante.
Enfin, nous avons également examiné les départements et régions d'outre-mer dans leur environnement régional et communautaire avec l'examen des dispositifs communautaires de l'Union européenne confirmant le régime de l'octroi de mer jusqu'en 2014, comme le Conseil de l'Union européenne l'a décidé le 10 février 2004 à la demande de la France, - je vous rends hommage, madame la ministre, car vous avez effectué un excellent travail auprès de l'Union européenne - étant précisé que l'Europe se dirige vers une nouvelle stratégie communautaire en faveur des régions ultrapériphériques qui, fort heureusement, maintient ce régime spécifique.
Signalons, pour terminer, que le 26 mai 2004 la Commission européenne a présenté une communication intitulée « un partenariat renforcé pour les régions ultrapériphériques », ce document apportant un début de réponse aux observations formulées par les gouvernements français, espagnol et portugais dans leur mémorandum commun remis le 2 juin 2003 à la Commission européenne.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements et régions d'outre-mer dans le budget du ministère de l'outre-mer pour 2005.