Les dispositions de cet article sont à la fois injustes et discriminantes pour les migrants étrangers et les Français, sans oublier leur caractère inapplicable pour les services consulaires.
En effet, elles aggravent considérablement la situation des personnes susceptibles d'obtenir une carte de séjour puisque le principe de l'exigence obligatoire du visa de long séjour est posé.
Désormais, toutes celles et ceux qui répondront aux critères d'octroi d'un titre de séjour temporaire, ou de la nouvelle carte-gadget dite « compétences et talents », seront obligés de produire un visa de long séjour. Or certains, pour ne pas dire beaucoup d'entre eux, ne repartiront pas dans leur pays pour aller y chercher ce visa de long séjour, car, ce faisant, ils prendraient le risque d'être une nouvelle fois bloqués dans leur pays d'origine. Cela ne pourra donc qu'avoir des conséquences dévastatrices sur la situation des migrants étrangers, qui resteront dans la clandestinité, voire y entreront.
Tout d'abord, cette exigence exclut par définition toute possibilité de délivrance de visa sur place permettant une régularisation postérieure à l'entrée sur le territoire d'un nombre important de migrants.
Il suffira d'invoquer, à titre de motivation, l'absence de visa pour débouter toute personne de sa demande.
C'est ainsi que certaines catégories de personnes, pourtant, en principe, bénéficiaires de plein droit d'une carte de résident, seront soumises à l'arbitraire de l'exigence d'obtention d'un visa de long séjour. Tel sera le cas, en particulier, des descendants et ascendants de Français.
Dès lors, une telle exigence, qui aura pour effet de produire des situations aussi inextricables qu'inutiles, est difficilement compréhensible. À cet égard, je note d'ailleurs que de telles situations ne sont pas si fréquentes dans la pratique.
Vont ainsi être forcés de repartir dans leur pays d'origine des conjoints, descendants ou ascendants de Français, dans le but d'obtenir ce nouveau sésame qu'est le visa de long séjour.
Savez-vous ce qu'il en coûte, pour des gens qui, dans leur large majorité, ne sont pas très riches, et sont souvent même pauvres, de repartir au Gabon, au Pakistan ou en Algérie ?
Quant à ces femmes qui ont épousé un Français, parfois malgré le désaccord de leur famille, vont-elles pouvoir repartir dans leur pays pour y chercher un visa, tout en sachant que, sur place, elles seront évidemment soumises à l'arbitraire des administrations consulaires ?
En effet, ce visa pourra être refusé, notamment, pour des motifs d'ordre public, dont personne ne connaît la définition pénale et qui sert ainsi bien souvent de prétexte, pour une annulation du mariage ou fraude au mariage, alors même que celui-ci n'a parfois pas encore eu lieu ou vient tout juste d'être célébré ? Cela équivaut, en fait, à une sorte de contrôle a priori de la validité des mariages, bien encombrant en droit, et à propos duquel le Sénat attend toujours le dépôt d'un projet de loi.
J'ajoute qu'il peut se passer des mois et des mois, voire des années, avant que l'on veuille bien accorder un visa de long séjour à telle ou telle personne, si toutefois ce dernier finit par être accordé, quitte, ensuite, à reprocher à cette personne la non-communauté de vie, alors que c'est l'administration elle-même qui la rend impossible !
Il n'est d'ailleurs pas à exclure qu'un jour ou l'autre un citoyen français veuille sur ce point attaquer la France devant les tribunaux européens, celle-ci étant responsable de la rupture de la communauté de vie.
Autant dire que, avec cette mesure, le Gouvernement va fabriquer de nouveaux clandestins et, dans certains cas, déstructurer des familles entières.
Selon les chiffres fournis par la CIMADE, le nombre de visas de long séjour accordés ces dernières années par la France a diminué, particulièrement en 2003 et 2004. Il convient d'ailleurs de comparer ces chiffres aux deux millions de visas Schengen délivrés par la France. Signalons en outre que, aux États-Unis, le nombre de visas est en constante augmentation.
Enfin, je tiens à dire que les dispositions de cet article 2 sont totalement injustes et inhumaines puisqu'elles obligent des couples, voire des familles entières à se séparer. Certaines personnes très âgées se retrouveront forcées de repartir dans un pays où elles n'ont, la plupart du temps, plus aucune attache.
Une autre des conséquences des dispositions de cet article 2 sera un déplacement du contentieux concernant le séjour vers le contentieux en matière de refus de visa, ce qui ne fera qu'engorger les ambassades de demandes de visaset multipliera les recours, faisant ainsi exploser la charge de travail du tribunal de Nantes, seul compétent en matière de contentieux de mariage entre Français et ressortissants étrangers.
En conclusion, je dirai que, fidèle à la tactique de votre ministre de tutelle, vous défendez, monsieur le ministre, un projet de loi censé simplifier le droit et les procédures, alléger les tribunaux et les administrations, mais qui, en réalité, est de nature à augmenter le nombre des catégories de statuts et à durcir les conditions d'attribution, donc la précarisation ; il compliquera donc le travail de l'administration préfectorale ainsi que des consulats et contribuera à engorger les tribunaux administratifs par la multiplication des recours contre les refus de visas et de certains contentieux proprement incontournables !
Dès lors, monsieur le ministre, pensez-vous sérieusement que ce texte a réellement pour objet de nous faciliter la vie ? Je crains, au contraire, qu'il ne nous la complique davantage !