Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 7 juin 2006 à 21h30
Immigration et intégration — Article 2

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Comme je l'ai souligné tout à l'heure, on ne peut décemment rendre obligatoire la production d'un visa de long séjour en vue de l'obtention d'une carte de séjour et, en même temps, prétendre preuve d'humanisme, affirmer que ce projet de loi met en oeuvre une stratégie de facilitation de l'immigration !

En effet, nous le savons, une telle disposition rendra impossibles toutes les décisions de régularisation postérieures à l'entrée sur le territoire de migrants étrangers qui feraient des demandes de cartes de séjour temporaire ou de cartes de résident. Elle aura également pour conséquence directe d'obliger un nombre incalculable de personnes à repartir dans leurs pays d'origine. Il est donc indispensable de rendre seulement facultative la production d'un visa.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez demeurer aveugle à cette réalité : ce projet de loi risque de multiplier des situations sociales inhumaines et tout à fait injustes et, en outre, d'encombrer nos services consulaires.

Je donnerai l'exemple très concret de la conjointe d'un ressortissant français qui devrait répondre à l'exigence de production d'un visa de long séjour mais ne voudrait pas rentrer dans son pays d'origine par peur de sa famille, puis deviendrait mère d'un enfant français. En raison de l'obstacle majeur que représente le visa de long séjour, cette personne se trouverait dans une situation de « ni-ni » : elle ne serait ni régularisable, car elle ne disposerait pas de visa long séjour, ni expulsable, car elle serait la conjointe d'un ressortissant français et la mère d'un enfant français.

Voilà comment l'on va recréer, encore une fois, ces clandestins qui ne sont ni régularisables ni expulsables !

Pour préserver l'équité et la justice et pour tenir compte des réalités du terrain, l'exigence d'un visa de long séjour doit non pas être érigée en principe, mais bien rester l'exception. La raison en est toute simple, mes chers collègues, même si aucun d'entre vous n'y a fait référence jusqu'à présent : il ne faudrait tout de même pas en effet oublier les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la France a bien sûr signée et ratifiée et qu'elle se doit d'appliquer. En vertu de la hiérarchie des normes juridiques, le droit européen s'impose au droit français.

Par conséquent, le fait de contraindre le conjoint d'un citoyen français d'aller chercher le visa de long séjour dans son pays d'origine, alors même qu'il ne peut s'y rendre, c'est porter atteinte au droit au regroupement familial et au respect de la vie privée et familiale tel qu'il est défini dans la CEDH. En l'espèce, nous sommes donc en contradiction totale avec les engagements internationaux que nous avons pris.

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