J'ai déjà dit dans la discussion générale ce que je pensais de la philosophie qui sous-tend cet article 2 de votre projet de loi. Avec cet article, vous avez en effet érigé l'utilitarisme en philosophie, au mépris des principes d'humanisme qui fondent notre pacte républicain.
Je souhaiterais, à présent, souligner les conséquences pratiques désastreuses de cet article s'il était adopté.
Cette mesure par laquelle vous prétendez réguler le flux d'immigration ne fera rien d'autre que créer de nombreux nouveaux cas d'étrangers irréguliers sur notre territoire. Ces nouveaux sans-papiers seront le produit direct des procédures kafkaïennes que vous vous ingéniez à créer.
Qu'en est-il, en effet, d'un étranger disposant déjà d'un titre de séjour temporaire et dont la situation change ?
Nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale ont obtenu le vote d'un amendement tendant à ce que, en cas de mariage, ce visa ne puisse être refusé aux conjoints de Français, sauf s'il y a menace à l'ordre public, suspicion de fraude ou annulation du mariage. Cet amendement était de bon sens, mais il nous faut aller plus loin et refuser l'adoption de cet article.
Les propos de M. Pelletier sont frappés au coin du bon sens : pourquoi, en effet, obliger le requérant à engager des frais et à perdre du temps à attendre un visa qui lui sera, de droit, accordé ?
Mais je souhaite revenir sur la logique même de cette disposition. Alors que vous prétendez lutter contre l'immigration clandestine, votre texte contribuera au contraire à l'aggraver.
Nous savons aussi que les services consulaires sont souvent saturés par les demandes de visa de long séjour ; cela a été dit par la collègue Mme Cerisier-ben Guiga. Il faudra parfois des mois pour obtenir un simple rendez-vous dans un consulat !
Outre la longueur des procédures, les instructions données aux consuls vont dans le sens d'une limitation des délivrances de visas. Faire de ce visa un préalable au titre de séjour revient donc à soumettre les étrangers à l'arbitraire de services consulaires déjà débordés. C'est aussi une instrumentalisation inacceptable de notre réseau consulaire, sans parler de l'accroissement de la charge de travail à effectuer, en l'absence de moyens supplémentaires.
Enfin, monsieur le ministre, vous prétendez que votre texte est guidé par le bon sens et par le souci d'efficacité des procédures. À cet égard, je tiens à souligner que, parmi les nombreux cas d'étrangers irréguliers que créera cet article 2, beaucoup ne seront heureusement pas expulsables : tous ceux qui auront noué des liens en France seront en effet protégés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Si ce texte est voté, il entraînera sans aucun doute une explosion des recours devant les tribunaux administratifs. Votre loi sera donc largement inapplicable. C'est la raison pour laquelle que le groupe socialiste votera la suppression de cet article.