Madame le ministre, je ne suis pas le premier à prendre la parole sur ce projet de budget pour le soutenir. Vous me permettrez cependant de répéter ce qui a déjà été dit, que je résumerai en deux mots fort simples : merci et bravo !
Merci, car vous nous présentez, pour la quatrième fois consécutive, ainsi que l'ont souligné les rapporteurs, un projet de budget qui respecte l'objectif de la loi de programmation militaire, conformément aux engagements pris par le Président de la République : à format constant, les crédits de la défense s'accroissent de 3, 4 % par rapport à 2005. Il garantit également la modernisation des équipements retenus dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure.
Bravo, aussi, madame le ministre, à votre ministère, et bien sûr à vous-même, d'avoir si brillamment réussi à relever le défi de la LOLF. Ce n'était pas tâche facile, on le sait, mais vous y êtes parvenue.
C'est un projet de budget clair et instructif que vous nous présentez. Désormais, en effet, nous pouvons pleinement apprécier les atouts comme les objectifs qui restent à satisfaire pour la défense nationale.
Si vous me le permettez, j'évoquerai toutefois certaines perspectives qui me paraissent importantes.
Tout d'abord, madame le ministre, vous avez lancé le programme Défense - 2e chance. Au regard des récents événements de violence urbaine, auxquels elle est au demeurant antérieure, votre initiative me semble particulièrement pertinente. Vous avez en effet parfaitement compris le rôle de liaison qu'a l'occasion de jouer votre ministère : liaison entre la République et ceux qui s'en sentent éloignés, liaison entre ceux qui décident d'y souscrire ; car, au-delà des valeurs de la République qu'ils y trouveront et qu'ils apprendront à défendre, c'est aussi dans l'esprit de corps qui caractérise les militaires que ces jeunes pourront s'entraîner, mais aussi s'entraider.
Ainsi, madame le ministre, en donnant cette deuxième chance à quelque 20 000 volontaires en grande difficulté scolaire, professionnelle et sociale, par la formation et la référence de l'armée que vous leur procurez, vous participez activement à l'action prioritaire du Gouvernement : la lutte contre le chômage. Je sais que deux centres sont déjà ouverts, et beaucoup suivront. J'aimerais vous assurer de mon soutien enthousiaste pour cette opération très prometteuse.
La deuxième piste de réflexion, madame le ministre, concerne l'industrie navale, et plus particulièrement le dossier du rapprochement entre DCN et Thales, qui a été plusieurs fois discuté. Le sujet est d'importance, car il recèle les bases d'une véritable industrie européenne de l'armement naval, dont nous avons besoin pour résister à la concurrence étrangère. Qu'en est-il exactement aujourd'hui, notamment dans la perspective d'alliances européennes ultérieures ? Quelles seront les bases de développement du partenariat en Europe ?
J'en viens, madame le ministre, à un troisième point, qui intéresse aussi les Français de l'étranger : les 33 000 hommes et femmes à travers le monde, notamment les 11 000 envoyés au titre des opérations extérieures.
Les ressortissants français établis dans les zones à risque apprécient l'engagement de nos forces armées et le soutiennent. Nombre d'entre eux, en effet, vivent quotidiennement la nécessité de la présence des militaires français, que ce soit dans les situations d'urgence humanitaire, je pense au Pakistan, ou dans les conflits armés, et me vient immédiatement à l'esprit la Côte d'Ivoire. Au nom de mes compatriotes établis dans ces régions à risque, je voudrais vous remercier et, à travers vous, l'armée et les militaires en général.
Je tiens à souligner aussi les progrès réalisés en matière de budgétisation des OPEX, dont il vient d'être question. Nous pouvons choisir de voir le verre à moitié vide et considérer que près des deux tiers des opérations extérieures ne sont toujours pas préfinancés. Cela est problématique à bien des titres, notamment dans la mesure où l'ouverture de crédits complémentaires entraînera des reports qui risquent de déstabiliser l'exécution budgétaire.
Toutefois, nous pouvons aussi choisir de voir le verre à moitié plein : 24 millions d'euros en 2003, 100 millions en 2004, une nouvelle majoration qui doit intervenir pour 2006, même si elle n'atteint pas ce qui était initialement espéré.
Néanmoins, dans un deuxième temps, il semblerait utile de conduire une réflexion sur la définition des modes d'intervention qui seraient plus adaptés pour faire face aux crises où nos forces sont impliquées durablement. En effet, là où elles interviennent, on assiste souvent à la pérennisation de l'engagement sur le terrain, comme au Kosovo, en Bosnie ou en Afghanistan, sans que quiconque soit malheureusement en mesure de prévoir d'échéance.
Aussi, je vous remercie, madame le ministre, de bien vouloir nous expliquer le dispositif militaire français à l'étranger, plus précisément en Afrique ; brièvement bien sûr, car vous n'aurez pas le temps, dans les cinquante-trois minutes qui vous sont imparties, d'entrer dans le détail !
Dans ce contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme et la multiplication des menaces, vous nous proposez une diplomatie de défense déterminante. C'est une bonne chose, car cela contribue à la stabilité de l'environnement international et permet à la France de s'impliquer efficacement dans la prévention et dans la résolution des crises.
Je pense également aux actions que nous développons en coopération avec nos partenaires dans les opérations multinationales : que ce soit en Ituri, en Macédoine ou au Kosovo, la France a su participer efficacement au déploiement des forces multilatérales. Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, si notre pays a aujourd'hui la capacité de conduire et de diriger ces forces multinationales ? Je le pense, mais il serait peut-être bon de nous préciser de quelles capacités il nous resterait éventuellement à nous doter pour y parvenir parfaitement.
Dernière observation, la France affiche une volonté remarquable d'indépendance militaire, à travers notamment le nucléaire et une industrie de défense qui est en pleine expansion. Dans le même temps, elle oeuvre avec détermination pour la construction d'une défense européenne crédible et solide, comme on l'a vu dernièrement avec, notamment, la création de l'Agence européenne de la défense, qui est peut-être ce qui marche le mieux en Europe.
En outre, le ministère de la défense développe un grand nombre de projets industriels de coopération bilatérale : les frégates avec l'Italie, le porte-avions avec la Grande-Bretagne, ainsi que d'autres projets en coopération avec l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique... Les divers projets engagés sont plutôt encourageants.
Parallèlement, l'OTAN reste le pilier de la défense commune pour les États qui en sont membres. La France, on le sait, y est elle-même très active. Quant à l'ONU, nous ne pouvons placer la légitimité de nos interventions internationales dans un meilleur cadre que celui de la communauté des nations, légitimité de toute intervention.
Madame le ministre, cela m'amène à une question simple, mais difficile : pouvons-nous aujourd'hui être partout ? Quels seront les cadres prioritaires d'engagement de la France à l'avenir ? Seront-ils plus volontiers nationaux, européens ou atlantiques ?
Madame le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous voudrez bien nous apporter. Sachez que toutes ces interrogations ne m'empêcheront pas de soutenir avec conviction et enthousiasme votre projet de budget.