Intervention de Hélène Luc

Réunion du 8 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Défense

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget que vous nous présentez fait partie des quatre grands budgets sanctuarisés par le Gouvernement, c'est-à-dire qu'ils échappent à la logique de l'austérité imposée aux ministres à vocation sociale, bien que l'éducation et la justice soient loin de correspondre aux nécessités.

Je ne contesterai pas, bien sûr, la nécessité de donner à notre pays les moyens de sa défense et la possibilité de tenir ses engagements internationaux. En tant que parlementaires, nous devons, en effet, allouer à nos armées et à leurs personnels les moyens nécessaires à la bonne exécution de leurs missions, en respectant la loi de programmation militaire.

Vous affirmez, madame la ministre, que celle-ci sera respectée pour la quatrième année consécutive, nous surveillerons cette question de près.

Cela étant, le projet de budget que vous nous présentez n'est pas adapté à la situation internationale, aux nouvelles menaces qui pèsent sur les intérêts de notre pays, ainsi qu'aux besoins opérationnels de nos armées. Nous ne partageons pas non plus les mêmes choix stratégiques.

Votre projet de budget est en hausse de 3, 4 % hors pensions, bien que la comparaison avec 2005 soit difficile à établir cette année en raison de l'entrée en vigueur de la LOLF, car le périmètre et le volume des programmes de la mission « Défense » ne recoupent pas précisément ce qui se faisait auparavant. Je pense, en particulier, aux programmes « Préparation et emploi des forces », doté de 20, 9 milliards d'euros, et « Équipement des forces », doté de 10, 6 milliards d'euros.

S'agissant des crédits alloués à l'armée de terre, les dépenses d'effectifs ont été réparties entre différents programmes. En outre, les comparaisons sur les effectifs sont difficiles, dans la mesure où la loi de finances initiale fixe non plus des effectifs, mais un plafond d'emplois autorisé, c'est-à-dire un maximum théorique dans la limite duquel les effectifs sont déterminés par une masse salariale.

Dans ces conditions, il est impossible pour un parlementaire, même le plus averti des questions de défense, de faire des propositions de recrutement, de départ, de transfert de militaires ou de civils, d'un programme à un autre. Nous ne pouvons pas toucher aux personnels.

Contrairement à ce que vous dites, mesdames et messieurs de la majorité, la LOLF ne permettra pas au Parlement de modifier, même à la marge, les projets de budgets qui lui sont présentés. Avec les nouveaux indicateurs de mesure des résultats obtenus, nous sommes tout simplement cantonnés au contrôle, d'un exercice sur l'autre, de la bonne utilisation d'enveloppes de crédits, dont le montant est définitivement fixé par le Gouvernement.

J'évoquerai maintenant quelques éléments positifs.

Ainsi, la réforme des procédures d'acquisition de la délégation générale pour l'armement et le renforcement des pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des armées sont des éléments qui contribuent à une plus grande clarté et à une plus grande efficacité pour l'équipement de nos forces. Il faut souligner l'effort de mutualisation des services avec la création d'un service d'infrastructures de la défense, rassemblant l'ensemble des services constructeurs, l'augmentation des crédits de la gendarmerie pour un effort significatif en faveur de la rénovation et de la construction de logements et la création de 2 000 postes.

Les crédits destinés à la recherche passent de 550 millions d'euros à 600 millions d'euros. Ceux qui sont alloués au nucléaire sont, selon nous, trop importants et ils devraient plutôt servir au développement de notre industrie nationale de l'armement : je pense à GIAT-Industries et à DCN, bien évidemment.

Le renforcement de nos capacités de renseignement, avec la création d'une direction générale de l'information et de la communication, la mise en service prochaine du bâtiment Dupuy de Lôme et l'augmentation des effectifs de la DGSE font également partie des éléments positifs, comme les emplois créés au sein du service de santé des armées.

Nous approuvons la mise en place du dispositif Défense-2e chance, qui, avec la création des établissements publics d'insertion, permettra d'offrir une formation et des perspectives d'emplois à des jeunes en difficulté.

Enfin, l'augmentation de 15 millions d'euros des moyens alloués aux réserves, pour un total de 110 millions d'euros, peut être une bonne chose si cela permet de rendre la réserve plus attractive et incite les employeurs à libérer plus facilement leurs salariés pour effectuer des périodes. Cette attention portée aux réserves pourrait être de nature à revaloriser et à renouer le lien armée-nation mis à mal par la professionnalisation.

Je veux redire ici combien il a été préjudiciable de suspendre le service militaire, car, aujourd'hui, notre jeunesse ne se sent plus concernée par la défense nationale, et c'est bien dommage !

Madame la ministre, je tiens à vous dire par ailleurs que j'apprécie votre position sur les sanctions appliquées en Côte d'Ivoire.

Après avoir évoqué ces quelques points positifs, je pense, néanmoins, madame la ministre, que les choix que vous avez opérés dans ce projet de budget, la répartition des crédits entre les différents programmes de la mission « Défense », sont mal adaptés aux exigences de notre sécurité et aux enjeux internationaux.

Ainsi, la priorité qui est encore accordée, en termes de moyens, à la dissuasion nucléaire et, par conséquent, l'importance des crédits qui lui sont consacrés, ne correspond plus aux nouvelles menaces que sont le terrorisme international et la prolifération nucléaire. Et pourtant vous augmentez de 13, 4 % les autorisations d'engagement et de 5, 53 % les crédits de paiement, soit 21, 5 % des crédits d'équipement contre 20, 9 % en 2005.

Si la recherche dans le domaine nucléaire sous la forme de la simulation peut sembler conforme aux engagements de la France de renoncer aux essais nucléaires, je pense, en revanche, que l'augmentation des crédits pour le reste va au-delà du seul maintien à niveau et de la crédibilité de nos armes nucléaires, fondement de la dissuasion.

Au demeurant, face aux méthodes qu'utilise maintenant le terrorisme international, la dissuasion nucléaire n'est pas la réponse adaptée et il faudra bien affronter ce problème que commencent même à se poser certains cadres de nos armées. Sur le plan militaire, il serait bien plus efficace d'augmenter nos capacités de renseignement. Quoi qu'il en soit, la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier la mise en cause des droits des prisonniers. Les « prisons volantes » de la CIA suscitent beaucoup de réprobations dans le monde.

C'est non pas en développant notre potentiel nucléaire que nous lutterons le mieux contre la prolifération, mais en travaillant, dans le cadre de l'ONU, à l'interdiction de toutes les armes nucléaires. C'est de ce côté-là que se situent l'avenir de l'humanité, la diminution des injustices sociales dans le monde et l'avenir de la planète.

Notre pays s'honorerait de prendre des initiatives diplomatiques fortes pour que soient respectés par tous les engagements sur l'élimination des armes nucléaires et le développement des moyens de contrôle.

Agissons pour que soit remise en chantier la révision du traité de non-prolifération nucléaire, auquel nous contribuons tout à fait normalement, et qui est d'autant plus nécessaire à l'heure de la relance de nouveaux programmes par les États-Unis. Entrons enfin dans ce que Paix en mouvement appelle la « culture de la paix ». Je profite de l'occasion pour vous annoncer, mes chers collègues, que nous allons créer au Sénat et à l'Assemblée nationale, en janvier, un groupe de parlementaires pour la paix.

L'amélioration de l'équipement de nos forces est une impérieuse nécessité. L'équipement de nos forces doit être maintenu à un niveau élevé et la disponibilité technique opérationnelle des matériels en service a besoin d'un sérieux redressement.

Or les besoins pour l'entretien programmé du matériel sont en très forte hausse. Le maintien en condition opérationnelle nous coûte trop cher et déséquilibre votre budget parce qu'il est mal maîtrisé. Le matériel ancien arrivant en fin de course présente un coût d'entretien renchéri par le prix des pièces de rechange, et le matériel neuf a, de par sa haute technicité, un coût de maintenance particulièrement élevé.

Cette explosion des coûts de maintien en condition opérationnelle a d'ailleurs été pointée dans un récent rapport de la Cour des comptes qui relève que des crédits très importants lui sont consacrés et font défaut ailleurs. Cette explosion, mal maîtrisée, a des conséquences négatives sur la disponibilité opérationnelle de nos matériels. Certes, elle est de 90 % en OPEX, mais celle des véhicules blindés à connu une dégradation et oscille entre 58 % et 63 % pour les VAB, les blindés ERC 90 et les chars AMX 10 RC.

Quant à celle du char Leclerc, elle ne dépasse pas 40 %. Nous avons pu apprécier ses performances en matériel neuf, mais nous regrettons que les livraisons ne soient toujours pas terminées. Ce char a par ailleurs connu quelques problèmes de fiabilité dus aux difficultés de GIAT Industries.

Celle de nos avions est passée de 58, 3 % en 2002 à 63 % en 2004. Enfin, la disponibilité technique globale des bâtiments de la marine nationale a retrouvé son niveau de 2002 et tourne autour de 70 %.

Les sommes très élevées qui sont consacrées au maintien en condition opérationnelle ont aussi des répercussions négatives sur les crédits affectés à l'entraînement des personnels, qui est pourtant une variable déterminante.

Ainsi, l'absence d'actualisation des coûts de fonctionnement et la nécessité de réaliser 3, 5 % d'économies budgétaires par rapport à 2005 ont conduit le chef d'état-major de l'armée de terre à aligner les prévisions d'entraînement sur l'activité enregistrée en 2005. Pour l'armée de terre, ce seront 96 jours sur le terrain au lieu des 100 prévus pour une bonne formation, 147 heures de vol pour les pilotes d'hélicoptère au lieu de 180, 325 pour les pilotes d'avion au lieu de 400 et 88 jours de mer, pour la marine, loin de l'objectif de 100 jours qui avait été fixé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion