Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 8 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Défense

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, se prononcer sur les crédits de la défense, c'est porter une appréciation sur la situation des conflits qui menacent la sécurité des peuples, évaluer les risques de conflits et les facteurs de paix, faire des choix d'avenir pour garantir la sécurité de notre continent et de notre pays.

L'année qui s'achève aura été malheureusement marquée par l'aggravation des tensions internationales, la persistance de nombreux conflits et la confirmation, voire l'extension de la menace terroriste.

Chaque jour confirme l'impasse dans laquelle se trouve la coalition qui s'est formée en Irak autour des USA, avec son cortège de victimes militaires et surtout civiles, et son effet désastreux dans l'ensemble du monde arabe.

Le conflit entre la communauté internationale et l'Iran au sujet de son programme nucléaire témoigne, une fois de plus, de l'inefficacité du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires dans sa forme actuelle. L'échec de sa renégociation est, à mes yeux, un grave sujet d'inquiétude. Depuis sa signature, le « club » des États disposant d'une arme nucléaire opérationnelle ou pouvant l'être dans des délais rapides a doublé.

Pour ce qui concerne plus directement la France, notre action en Côte d'Ivoire n'a pas permis, à l'heure où nous parlons, d'avancer dans le règlement pacifique du conflit, et l'absence du Chef d'État ivoirien au sommet de Bamako n'augure rien de bon.

Dans ce contexte, les crédits de la mission « Défense » s'inscrivent dans la continuité des orientations politiques antérieures. Ils témoignent de la nostalgie française du statut de grande puissance, très largement en décalage avec la réalité géopolitique et géostratégique d'abord, avec la réalité de nos moyens budgétaires ensuite, avec nos capacités technologiques et industrielles enfin.

Même en assurant un rythme de progression des dépenses supérieur à celui de l'État et à la croissance de la richesse nationale - ce qui pose d'ailleurs problème -, nos moyens resteront inférieurs aux ambitions affichées. On me permettra de douter de notre capacité à conduire de front l'ensemble des programmes majeurs d'armement alors que bon nombre de matériels en service sont soit obsolètes, soit à bout de souffle.

Je citerai trois exemples.

Le premier concerne la frégate FREMM. Lorsque la première entrera en service, d'ailleurs avec retard, la génération précédente aura une trentaine d'années d'âge.

Le deuxième concerne les Super Frelon de la marine nationale. Ils n'auront pas de véritables successeurs, comme les EH101 Merlin en service dans les marines italienne et britannique.

Enfin, le troisième concerne les blindés légers. Censés protéger les fantassins, ils sont totalement obsolètes.

Je m'arrêterai là pour les exemples, mais la liste pourrait être plus longue, notamment pour l'armée de terre.

En commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à propos de la préparation des forces terrestres, ce n'est pas moi, c'est le rapporteur pour avis qui soulignait que les dotations destinées aux carburants opérationnels ne prenaient que très partiellement en compte les augmentations des cours du pétrole ou que les objectifs d'entraînement des personnels avaient été descendus à quatre-vingt-seize jours au lieu des cent prévus.

Nous le disons depuis longtemps, la priorité confirmée en faveur de la dissuasion nucléaire constitue une impasse : elle prive notre pays de toute capacité à réorienter notre effort de défense dans un cadre budgétaire réaliste, vers des objectifs qui soient en conformité avec l'évolution des menaces et, surtout, le choix d'une vision européenne de la sécurité et de la paix.

Trois objectifs fondamentaux devraient guider l'action de notre pays sur le plan international.

Le premier réside dans la réaffirmation du choix de la sécurité collective garantie par l'ONU. Il n'y a pas d'autre garantie pour la paix que la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la construction d'un ordre international fondé sur le droit et non plus sur la force, la force devant rester au seul service du droit.

Le deuxième objectif, qui découle du premier, doit viser au désarmement multilatéral des États, à commencer par la mise hors la loi des armes de destruction massive et le démantèlement progressif des arsenaux nucléaires existants.

La dissuasion nucléaire n'est pas pertinente dans la prévention des conflits à caractère régional, pas plus qu'à l'égard de la menace terroriste. Poursuivre dans cette logique, c'est, aux yeux de tous les peuples et les États du monde, justifier, sinon légitimer, la prolifération. La France, avec l'Union européenne, doit prendre l'initiative et s'engager clairement dans le renoncement unilatéral à l'arme nucléaire.

Une première étape pourrait être franchie par l'arrêt des recherches sur les armes de nouvelle génération au-delà des munitions en service, l'abandon du programme ASMP amélioré et la reconversion des escadrons de Mirage 2000 N ayant encore un potentiel important pour d'autres missions que la dissuasion nucléaire. Ce serait un message fort en faveur de la relance des négociations pour le désarmement.

Le troisième et dernier objectif est la construction d'une Europe de la défense, à laquelle le « non » français au traité établissant une constitution pour l'Europe ne doit pas nous faire renoncer, ...

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