Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 8 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Défense

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention ne portera que sur la question des bombes à sous-munitions.

Ces systèmes d'armes, employés pour « saturer » de larges zones, afin qu'elles deviennent inaccessibles et impraticables, présentent deux caractéristiques qui les rendent, selon moi, totalement inacceptables.

Premièrement, elles sont disséminées sur des zones tellement vastes qu'il est impossible de garantir qu'elles ne toucheront pas les populations civiles, non seulement en temps de guerre, mais aussi après.

Secondement, elles sont censées exploser à l'impact. Mais entre 5 % et 30% de ces bombes n'explosent pas ; elles se transforment automatiquement en mines antipersonnel - ni plus ni moins ! -, qui continueront de tuer ou d'amputer des victimes civiles. Une fois la guerre terminée, l'horreur continuera donc.

En Irak, près de 2 millions de sous-munitions ont déjà été larguées. Si l'on considère un taux d'échec minimal de 5 %, il resterait sur le terrain près de 90 000 sous-munitions prêtes à exploser. Selon les spécialistes, cette estimation est probablement en dessous de la réalité.

Ces deux caractéristiques font des bombes à sous-munitions une arme qui ne fait pas de discrimination entre les combattants et les populations civiles. Pourtant, ce principe de discrimination, conformément aux conventions de Genève, est un impératif juridique du droit de la guerre.

Madame le ministre, je sais la force et la pérennité de l'engagement de la France, sous tous les gouvernements, pour une approche concertée et multilatérale de cette question. C'est ainsi que la France a oeuvré sans relâche pour que voie le jour la convention d'Ottawa, qui interdit la production et l'usage des mines antipersonnel.

Mais, aujourd'hui, la France est encore opposée à une convention internationale qui interdirait l'usage, le stockage, la production, le transfert ou l'exportation des armes à sous-munitions. Ainsi, nous acceptons que continuent de sévir ces armes qui procèdent précisément des mêmes défauts et qui ont les mêmes conséquences meurtrières que les mines antipersonnel que nous avons supprimées.

Devant cette situation, on nous présente deux types d'arguments.

Premièrement, ces armes sont un outil dont nos forces armées ne peuvent se passer. Si l'argument est audible, encore faut-il qu'une expertise exhaustive soit menée. Or je ne crois pas que cela ait été fait récemment. En outre, il faut rappeler que cet argument était déjà avancé, voilà quelques années, lorsque l'on rejetait l'interdiction des mines antipersonnel. On voit bien aujourd'hui tout le chemin citoyen et humanitaire que nos états-majors ont fait sur ce sujet !

Secondement, on nous dit que des recherches sont conduites pour tenter de contrecarrer à la fois le fort taux d'échec des explosions à l'impact et l'absence de ciblage. La limite de cette réponse est claire : ces éventuelles améliorations techniques ne retireront rien au caractère non discriminant de ces armes. En temps de paix, les bombes continueront de détruire comme si c'était toujours la guerre !

D'ailleurs, madame le ministre, au sujet du programme de recherche français concernant les systèmes d'autodestruction et d'autoneutralisation des bombes à sous-munitions, on constate que, depuis juillet 2002, aucune information n'est disponible sur le montant des budgets consacrés à ces programmes. Est-ce à dire qu'ils ont été abandonnés ?

Face aux horribles conséquences des sous-munitions non explosées, les industriels ont décidé de les identifier... Sur certains modèles, elles le sont par des rubans roses, rose bonbon ! Aussi les enfants sont-ils les premières victimes de ces sous-munitions. Et ce modèle, fabriqué par une société nationale française, porte un nom terrible, presque prémonitoire, celui de « Ogre ».

J'insiste, la France vend de par le monde et possède dans son armement des bombes enrobées de rubans roses ! Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il est urgent de prendre des mesures ?

Avant de conclure, je rappelle qu'en 2005 trente-quatre pays ont produit des bombes à sous-munitions, cinquante-sept pays en ont stocké et onze pays ont déjà, par le passé ou cette année encore, utilisé ces armes, lors des guerres en Afghanistan, au Vietnam, en Bosnie, Irak, etc.

Plus généralement, chaque année, les mines, les bombes à sous-munitions ou tous les autres « résidus explosifs » tuent, blessent, mutilent entre quinze mille et vingt mille civils : hommes, femmes et enfants. Des enfants !

Il faut que cela change ! La façon dont nous faisons la guerre, directement sur le terrain ou indirectement par le type d'armes que nous utilisons et que nous vendons, définit la démocratie dans laquelle nous vivons. Comme l'a dit Mme Voynet, le Parlement européen a déjà voté une résolution pour demander un moratoire.

Madame le ministre, la France devrait montrer l'exemple et s'engager dans la création d'une convention internationale interdisant l'emploi, la production et le stockage des bombes à sous-munitions. Notre pays a déjà montré l'exemple, je l'ai évoqué à l'instant. Ne nous arrêtons pas en chemin ! Il faut continuer à travailler ensemble, avec les militaires, les politiques, les ONG, pour que, étape par étape, la France soit non plus dans le camp de ceux qui mutilent, mais bien dans le camp de ceux qui réparent !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion