Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 8 décembre 2005 à 10h15
Loi de finances pour 2006 — Défense

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la structuration de la mission « Défense » en quatre programmes, « Environnement et prospective de la politique de défense », « Préparation et emploi des forces », « Soutien de la politique de défense » et « Équipement des forces », permet de mieux rendre compte du caractère multifonctionnel de nombreuses forces, ce que n'aurait sans doute pas permis une répartition organique par armée.

Ainsi que cela a déjà été évoqué, la mission « Défense », avec un peu plus de 36 milliards d'euros en crédits de paiement, est le troisième poste de dépenses de l'État, après les missions « Enseignement scolaire » et « Engagements financiers de l'État », et représente 13, 5 % des dépenses de l'État. Mais c'est également - il est important de le souligner - le principal budget d'investissement de l'État, puisque 30 % de ses crédits y sont consacrés, ainsi que le premier acheteur public, puisqu'il passe 67 % des marchés publics de l'Etat et 28 % des marchés de l'ensemble des administrations publiques. Avec 2% du PIB, l'effort français de défense est certes légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni, mais très nettement supérieur à celui de l'Allemagne, si mes chiffres sont exacts.

Le poids de la dépense en matière de défense est donc considérable, mais, dans le contexte budgétaire délicat que nous connaissons aujourd'hui, votre ministère, madame, doit aussi participer à l'effort de notre pays en matière de finances publiques, malgré les contraintes que nous impose la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, dont vous vous félicitez d'avoir respecté les principaux objectifs au cours de ces dernières années.

Permettez-moi d'évoquer à présent la sincérité budgétaire. Je regrette en effet que certaines parties du projet de budget de la mission « Défense » remettent en cause ce principe. Je pense notamment à la budgétisation des opérations extérieures. Depuis l'an passé, des efforts ont été faits en la matière pour provisionner les dépenses, à hauteur de 100 millions en 2005, mais, sur les 250 millions prévus pour 2006, ce qui est en nette augmentation, mais demeure insuffisant par rapport aux besoins, il est déjà prévu d'en reprendre 75 millions pour les affecter au plan Banlieues !

J'ai bien conscience des enjeux, ainsi que des efforts déjà mis en oeuvre afin d'adapter le budget de la défense aux grands principes de la LOLF, aux efforts de modernisation et à la réflexion menée sur la stratégie ministérielle de réforme : rationalisation des réseaux interarmées et des systèmes d'information, réorganisation de la fonction achats ou encore déconcentration de la gestion du personnel civil, dont les économies ainsi obtenues sont évaluées à 21, 75 millions d'euros pour 2006.

De la même façon, la politique d'externalisation des dépenses de la mission « Défense » devrait dégager un certain nombre d'économies. Ainsi, en matière d'économies, je ne remets absolument pas en cause les efforts déjà entrepris. Simplement, au regard de la situation budgétaire de notre pays, je ne pense pas que la réforme puisse s'arrêter là.

Compte tenu des enjeux stratégiques et techniques, il est nécessaire de mener à bien une réflexion en profondeur sur les missions de la France en matière de défense. Il est également évident qu'il ne peut pas et ne doit pas s'agir d'un désengagement financier sec, mais plutôt d'une nouvelle réflexion sur les missions.

Pour nous, qui, au sein de notre famille politique, sommes tant attachés à l'Europe et à la construction européenne, une poursuite des efforts en matière de coordination et de rationalisation des moyens au niveau communautaire - et cela a déjà été évoqué - aurait le double avantage d'alléger le budget de la défense, notamment en matière d'équipement et d'investissement dans la recherche et le développement, et de relancer une Europe en panne, bloquée et dans l'incapacité de prendre quelque décision que ce soit depuis l'échec du référendum. Il suffit de voir combien il est difficile de faire aboutir les négociations sur les perspectives budgétaires !

L'an passé, à l'occasion de la discussion des crédits budgétaires du ministère, je me félicitais de ce que la force armée de 7000 soldats de l'Union européenne, EUFOR, avait officiellement pris la relève de l'OTAN en Bosnie, ce qui marquait une étape décisive dans l'histoire de la construction et de l'approfondissement de la politique européenne de sécurité et de défense. Je vous demandais alors quelles adaptations seraient nécessaires dans le cadre de la Constitution européenne. Certes, le résultat a été celui que nous connaissons. Je souhaite donc vous interroger aujourd'hui sur les futures avancées en matière de défense européenne.

S'agissant des acquisitions de matériel de défense, on sait notamment que d'importantes économies d'échelle ont été faites aux États-unis, qui se caractérisent par un très vaste marché unifié et protégé, ce que nous n'avons pas encore la chance d'avoir. Il est également temps de procéder à un inventaire des duplications éventuelles, afin d'optimiser nos moyens au niveau européen.

De la même façon, et compte tenu du caractère hautement stratégique des dépenses du ministère de la défense en matière de recherche - cela a déjà été dit -, il conviendrait d'affecter des fonds importants à la recherche dans le domaine de la défense et de coordonner nos efforts en la matière. Il y a, bien évidemment, un problème d'arbitrage. Est-ce que l'arbitrage des moyens ne doit pas prendre le pas sur celui des effectifs ? C'est certes une question difficile, mais je crois que la droite et le centre doivent avoir le courage politique d'aborder ces problèmes-là et de faire des propositions au pays.

En outre, il est nécessaire que nous consolidions l'industrie européenne de défense, à l'instar de ce qui est pratiqué aux États-unis, afin de relever les défis futurs et de ne pas prendre de retard dans un domaine hautement stratégique pour notre sécurité et l'efficacité de notre politique de défense.

Tous ces objectifs doivent aujourd'hui être ceux de l'Agence européenne de défense, notamment en ce qui concerne la régulation du marché européen de la défense, des partenariats avec les industries européennes et la mutualisation des efforts de recherche. Il est peut-être nécessaire d'impulser un peu plus de volontarisme dans cette agence.

Enfin, dans la même ligne que ce que je viens d'évoquer, je souhaiterais souligner un point particulier de la politique de défense : les capacités militaires spatiales. Celles-ci ne doivent pas être négligées, mais, au contraire, développées.

Je sais que l'année 2005 a été riche en avancées en la matière, en particulier grâce au lancement des deux satellites de nouvelle génération et à l'accord entre les membres de l'Agence spatiale européenne, signé à Berlin cette semaine, qui a adopté le principe de préférence communautaire, afin de soutenir la technologie européenne en matière de lancement.

Cependant, face à la volonté de l'Amérique de contrôler ce domaine, les moyens spatiaux militaires sont en Europe très en deçà du rôle qu'ils devraient jouer dans notre politique de défense et dans la conduite des opérations militaires, alors que leur caractère stratégique est de plus en plus criant aujourd'hui.

En outre, il ne paraît pas envisageable de laisser l'Europe à l'écart d'autres applications militaires de l'espace telles que l'écoute, la détection des tirs de missiles balistiques ou la surveillance de l'espace.

Peut-être suis-je sous l'influence des films de James Bond, mais je m'interroge toujours, s'agissant des zones géostationnaires, sur la fragilité de nos satellites de communication ou d'autres satellites qui tournent autour de notre planète sans y être rattachés.

Je rêve peut-être, mais j'imagine un satellite tueur qui passerait et détruirait le satellite ; nous serions pratiquement muets. De tels films m'influencent peut-être, mais je crois qu'il est important d'avoir une réflexion dans ce domaine-là. Cela doit d'ailleurs certainement être déjà le cas.

Je suis convaincu, comme le Président de la République ou comme vous, madame le ministre, et ainsi que le montrent les conclusions du groupe d'orientation stratégique de politique spatiale de défense, le GOSP, de la nécessité d'affecter plus de moyens à la politique spatiale et d'en faire l'une des priorités de la prochaine loi de programmation militaire, afin de donner un signal fort à nos partenaires pour parvenir à relever le défi.

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