Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les politiques d'insertion ont besoin de nouvelles perspectives. Le « Grenelle de l'insertion », qui réunit l'ensemble des acteurs concernés, est l'occasion de les fonder sur des bases nouvelles.
Il nous a semblé opportun d'en débattre en amont avec vous, et non de venir vous demander de simplement ratifier a posteriori ce qui aurait été élaboré dans d'autres enceintes.
Les questions d'insertion sont trop souvent abordées à partir d'éléments techniques dans lesquels seuls quelques rares spécialistes se retrouvent. Nous avons aujourd'hui la possibilité de discuter des grandes lignes, de répondre à des questions de principe, de confronter des visions différentes et de dégager des enjeux prioritaires.
Nous pouvons dire que nous sommes à la fin d'un cycle d'une vingtaine d'années. Notre pays a, par touches successives, forgé une politique d'insertion dont certains résultats positifs ne doivent être ni oubliés ni niés.
Avant 1988, on pouvait, dans ce pays, se trouver sans aucune ressource et ne dépendre que de la charité publique ou privée. La loi du 1er décembre 1988 a créé le revenu minimum d'insertion, le RMI, qui est une incontestable avancée sociale. Avoir un revenu minimum est même désormais une caractéristique de l'Europe sociale.
Avant 2000, on pouvait, dans ce pays, n'avoir aucune assurance maladie et se voir refuser l'accès aux soins, faute de ressources. La loi du 27 juillet 1999 a créé la couverture maladie universelle, la CMU.
Des millions de personnes sont passées par des emplois aidés, et des centaines de milliers par des entreprises ou des structures d'insertion ; elles n'auraient pas travaillé ou pas retravaillé sans ces dispositifs spécifiques.
Certains parcours d'insertion sont des réussites formidables. À eux seuls, ils justifieraient l'invention de l'insertion.
Et pourtant, nous sommes collectivement obligés de constater un échec. Notre pays n'a pas des résultats à la hauteur de sa richesse économique, ni de son ambition sociale.
Il ne devrait pas compter tant de personnes exclues du monde du travail, tant de personnes qui ne peuvent pas dépasser le revenu minimum, tant de personnes dont la majorité des ressources proviennent de la solidarité et trop peu de leur travail, tant de personnes qui, après avoir remis un pied à l'étrier, sont renvoyées à la case départ, tant de personnes qui se débattent en vain dans une foultitude de difficultés où s'entremêlent l'isolement et les problèmes de santé, de logement, de surendettement, de formation ou d'emploi.
Ce n'est pas faire injure aux constructions d'un passé récent, à leurs inventeurs, à leurs promoteurs, à leurs soutiens ou à ceux qui les ont mises en oeuvre de dire qu'il faut bâtir autre chose.
Quand tant de personnes perdent de l'argent en reprenant du travail, c'est qu'il faut changer le système. Quand on vous écrit pour vous proposer de rembourser une partie de son salaire pour pouvoir de nouveau bénéficier de la couverture maladie universelle, il faut changer de système.