Le moteur de notre société a cru gagner en efficacité parce qu'il s'allégeait, mais il s'est privé de carburant.
Le compartiment le plus productif était le plus sélectif, mais il a rejeté directement dans le compartiment de l'assistance. Certes, pour que l'éviction ne soit pas trop douloureuse, des mécanismes de compensation ont été mis en place. On a compensé l'éviction au lieu de la combattre. La première cause, c'est la centrifugeuse.
La deuxième cause, ce sont des mécanismes qui compensaient l'exclusion au lieu de provoquer l'intégration. C'est comme cela que nos politiques de lutte contre la pauvreté ont été construites. Trop déconnectées du travail. Trop déconnectées de l'éducation et de la formation. Trop déconnectées de l'économie. Trop déconnectées des aspirations des personnes. Elles dépendaient de l'aide sociale ? On les a accusées de rechercher l'assistanat, sans voir qu'on les y condamnait.
Troisième cause, dans notre pays, il a manqué un compartiment intermédiaire entre le secteur le plus compétitif et le secteur de la solidarité. Il a manqué un secteur où l'on développe des emplois, peut-être à plus faible productivité, mais qui restent rentables pour l'économie d'un pays, en tout cas infiniment plus rentables que lorsqu'il faut payer le prix du chômage et de l'exclusion.
On dit souvent de la santé qu'elle n'a pas de prix, mais qu'elle à un coût. L'exclusion a un coût pour la société, mais elle a également un prix pour ses membres, un lourd tribut que payent d'abord les personnes exclues et, désormais, la collectivité.
Nous avons cru que nous pouvions passer par une phase transitoire, celle d'un chômage que l'on attribuait à des chocs externes, en conservant un modèle social et la qualité de l'emploi qui l'accompagnait. Nous avons finalement eu à la fois le chômage et la pauvreté au travail, à la fois l'exclusion et la précarité.
À cela, nous avons répondu par des systèmes de plus en plus sophistiqués, de plus en plus complexes, de plus en plus coûteux, de moins en moins compréhensibles, de moins en moins efficaces et de moins en moins justes au fur et à mesure qu'ils s'enchevêtraient ou se neutralisaient.
Le résultat, nous le connaissons. Nos politiques d'insertion sont à bout de souffle. Mais l'énergie n'est pas morte. Nous l'avons vu au moment du lancement du Grenelle à Grenoble, voilà un mois et demi. Tous les pionniers et ceux qu'ils ont formés, c'est-à-dire les générations d'après, étaient là, toujours pleins d'énergie pour relever le défi. Nous le voyons dans les départements. Il s'y passe quelque chose depuis que des responsabilités leur sont conférées. Ils cherchent à inventer de nouvelles politiques. Nous le voyons dans les réseaux associatifs, qui ont inventé des solutions originales, parfois en devant se débrouiller aux marges de la légalité. Nous le voyons dans le dynamisme de l'insertion par l'activité économique, qui était déjà à la pointe du développement durable quand le concept n'intéressait personne.
Dans ce contexte, nous percevons quelques raisons d'être optimistes et de nous pousser à agir.
La première de ces raisons, c'est ce que nous disent les personnes concernées. Selon un sondage que nous avons réalisé, les allocataires du RMI souhaitent travailler, ont conscience des obstacles qu'ils rencontrent et sont demandeurs de formation, de mobilité et d'accompagnement.