Une bonne législation est une législation qui pose les principes de la solidarité et qui en laisse la traduction concrète aux acteurs de terrain.
C'est la première question. Peut-on mettre en place des prestations moins normées réglementairement en améliorant l'équité et sans laisser filer les dépenses ?
Deuxième principe, assurer des revenus du travail supérieurs aux revenus de la solidarité.
Bien évidemment, je fais référence à la création du RSA, qui vise à atteindre trois objectifs : supprimer les effets de seuil pour les allocataires de minima sociaux qui reprennent du travail, lutter contre la pauvreté au travail et simplifier, rendre lisible et prévisible un système qui ne l'est plus.
Le dispositif est expérimenté, sous une forme très incomplète, dans des départements volontaires. À terme, le RSA a pour ambition de se substituer à de nombreux dispositifs en garantissant que toute augmentation de revenu du travail se traduira par un accroissement des ressources du ménage et de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs à bas salaires de manière plus lisible que la prime pour l'emploi.
Pour qu'il soit juste, il faut qu'il soit complet. Nous le concevons comme un système qui donne - à travail égal et à composition familiale équivalente - les mêmes revenus à tous, que l'on soit passé par les minima sociaux ou que l'on soit simplement un travailleur aux revenus modestes.
Quel sera le périmètre du revenu de solidarité active ? C'est la deuxième question que nous vous adressons. Faut-il laisser certains minima sociaux connaître les mêmes règles ? Faut-il inclure l'allocation de solidarité spécifique ?
Les indications que vous nous donnerez seront utiles aux partenaires sociaux, qui sont au premier chef concernés par l'évolution de l'allocation de solidarité spécifique, au moment où ils discutent de l'évolution de l'assurance chômage.
Ne faut-il pas appliquer les mêmes règles pour l'allocation adulte handicapé, les personnes concernées ayant souvent besoin, dans leur activité, de continuer à bénéficier de la solidarité ?
Mais, si le RSA supprime certains effets de seuil, vous savez que l'un des effets les plus importants est lié à la santé et à la couverture maladie universelle. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé le bouclier sanitaire.
Le bouclier sanitaire, c'est aussi une réponse à ce problème, dans la même logique. Dès lors que le reste à charge est fonction du revenu, il n'y a plus d'effort qui pèse sur ceux qui sont juste au-dessus du seuil d'exonération de la participation de l'assuré. C'est pourquoi je souhaite qu'il voie le jour.
Il faudra également s'interroger sur le mode de calcul des aides au logement ou sur leur prise en compte dans les barèmes du RSA.
Il faudra enfin être suffisamment incitatif pour que les autres aides connexes ne neutralisent pas les effets de cette remise en ordre des prestations.
Troisième principe : une conception plus souple, plus large et plus réaliste de la notion d'employabilité.
Il y a aujourd'hui une distinction implicite entre personnes employables et personnes considérées comme inemployables.
Il y a des personnes considérées comme éloignées de l'emploi, alors que c'est l'emploi qui s'est éloigné d'elles. Oui, il y a des personnes pour qui l'emploi est directement accessible, qui demandent un emploi et qui en ont besoin ; et puis, il y a celles pour lesquelles une formation, une qualification nouvelle ou supplémentaire est nécessaire pour accéder à l'emploi ; il y a aussi celles qui ont besoin d'un accompagnement social ; il y a encore celles pour lesquelles l'emploi ne pourra peut-être jamais prendre une forme classique, mais nécessitera d'être durablement soutenu ou de prendre la forme d'une activité plus adaptée.
Mais aucune ne peut se voir refuser de manière irréversible la dignité par le travail, quitte à ce que les exigences du travail puissent être considérablement adaptées à leurs difficultés.
Certains évoquent la notion de « handicap social », de « COTOREP » sociale. Ils sous-entendent qu'il vaut mieux prendre acte d'une difficulté à travailler, plutôt que de s'acharner à aller vers une insertion impossible. Permettez-moi de pointer les risques d'une telle approche, même prise avec les meilleures intentions du monde, et de ses possibles dérives.
Certes, on peut reconnaître que certaines personnes ont une probabilité très faible d'être embauchées dans une entreprise, et presque nulle de l'être sur un contrat de droit commun, mais travailler dans un chantier d'insertion, ce n'est pas être inemployé, et donc ce n'est pas être inemployable.