Sixième principe : une priorité donnée à l'accès à la mobilité et à la garde d'enfants.
Emploi, formation, logement et santé sont bien évidemment des facteurs clés. On aurait pu consacrer l'ensemble du débat au logement ou à la santé, et j'espère que vous aurez l'occasion de le faire, mais deux autres freins à l'insertion et au retour à l'emploi ne doivent pas être négligés, tant ils sont fréquents : l'accès à la garde d'enfants et l'accès à la mobilité. Ils se posent tant en milieu urbain, en centre-ville, que dans nos banlieues et dans les zones rurales.
Si l'on parvient à mieux organiser les aides financières autour du revenu de solidarité active, ne faut-il pas que l'État et les collectivités territoriales joignent leurs efforts pour apporter des réponses plus satisfaisantes, plus complètes, moins onéreuses à ces freins à l'emploi et à l'insertion, et peut-être aussi moins de normes et plus de réponses concrètes ?
Septième principe : organiser une logique de responsabilité pour les pouvoirs publics laissant une large place à l'initiative locale.
Par exemple, dans un département que je connais bien, une plate-forme unique pour les droits et les devoirs des personnes qui commencent à percevoir le RMI a été mise en place, avec des résultats assez spectaculaires - une plate-forme unique, cela signifie que, le même jour, dans un même lieu, sont rassemblés notamment les représentants du conseil général, du CCAS, de l'ANPE, de la Caisse primaire d'assurance maladie, de la Caisse d'allocations familiales.
Grâce à ce dispositif, on passe de 20 % à 95 % de la population couverte par un contrat d'insertion, dans un délai ramené en moyenne de trois mois à trois jours ; on passe de moins de 80 % à 100% de personnes couvertes par la CMUC ; on passe d'un faible pourcentage de personnes contactées par le service public de l'emploi à 100 % des personnes qui ont un lien avec celui-ci dès le premier jour.
Ce département a-t-il fait des choses absolument exceptionnelles ? A-t-il demandé une modification de la Constitution ? A-t-il bénéficié de milliards d'euros ? Non ! Ne serait-ce pas plutôt les autres, ceux qui ne fonctionnent pas comme cela, qui seraient hors normes ? Comment généraliser ce dispositif sans passer par la contrainte ni par des années de discussions ? Voilà les questions qui se posent, et nous devons pouvoir y apporter des réponses.
La situation de l'emploi est également différente d'un bassin à l'autre. Certains bassins d'emplois doivent résoudre des problèmes liés au travail saisonnier, d'autres des problèmes liés aux services à la personne. Faut-il que l'État impose un barème, des règles juridiques identiques sur l'ensemble du territoire, ou qu'il se porte le garant de principes, en laissant aux collectivités territoriales les marges de manoeuvres juridiques pour le faire ?
Comment la logique de responsabilité et de cohérence est-elle compatible avec des compétences réparties entre l'État, les régions, les départements, les communes et les organismes de protection sociale ?
On pourrait spécialiser ces différents échelons par public ou par fonction. Mais cela ne reviendrait-il pas à maintenir des cloisonnements, alors qu'on cherche le contraire ou à disloquer des leviers pourtant complémentaires ? C'est ainsi que, à un an d'âge près ou à quelques dizaines d'euros près de revenu, on passe d'un dispositif à l'autre, d'une collectivité à l'autre, on n'est plus pris en charge par les mêmes.
Encore une fois, comment peut-on faire une politique d'insertion sans la formation professionnelle ?
Pourquoi ne pas laisser aux collectivités le soin de définir leur « pacte territorial d'insertion », en se répartissant les rôles et les responsabilités dans un contrat dans lequel l'État s'engagerait également ?
Si, sur un territoire, c'est le CCAS qui est le lieu où se font les premières démarches d'insertion, pourquoi imposer que cela soit dans une maison départementale ou dans une caisse d'allocations familiales ? Si, dans un département, l'accompagnement professionnel est confié à la même équipe que celle qui assure l'accompagnement social, pourquoi contraindre à passer par un autre opérateur ?
La condition, pour que ce pacte soit réel, c'est qu'on ne puisse pas dire à une personne qu'elle ne peut pas avoir accès à une formation, reconnue comme nécessaire, parce que cela dépend d'un autre acteur, alors même que les financements existent ; c'est qu'on ne puisse pas répondre à une entreprise qu'on ne peut pas lui proposer de la main-d'oeuvre qualifiée dans des délais compatibles avec ses besoins parce que les politiques d'insertion, de formation et de qualification ne sont pas coordonnées. C'est pourtant ce qui arrive tous les jours !
Huitième principe : clarifier la notion de droits et de devoirs pour les publics d'insertion.
Cette notion centrale ne doit être ni virtuelle, et donc non crédible, ni contre-productive parce que rigide. La logique des droits et des devoirs n'exclut pas la notion de confiance. Il faut se méfier de raisonnements séduisants, mais simplistes et inapplicables, pouvant conduire à des désillusions.
Soulignons, d'abord, que le passage au revenu de solidarité active devrait en lui-même supprimer l'une des causes principales du brouillage de cette logique. Lorsque, dans de nombreux cas, le retour au travail ne procure pas de revenus supplémentaires, il est difficile d'appliquer une logique de droits et de devoirs, et de dire qu'on n'a pas fait son devoir en acceptant de perdre de l'argent en reprenant du travail.
Si on élargit le recours au service public de l'emploi, il n'y a pas de raison de faire peser sur les publics en insertion des obligations plus lourdes que celles qui pèseraient sur les autres demandeurs d'emplois. Nous devons aller vers une situation clarifiée.
Nous proposons deux principes.
Le premier principe, c'est que tout travail doit s'exercer dans le cadre d'un « vrai emploi », avec un salaire, ou avec un statut de travailleur indépendant. La logique de droits et de devoirs ne doit pas conduire à créer une catégorie de travailleurs au rabais. Si une contrepartie doit être demandée à la solidarité, elle doit alors se transformer en salaire. Cela évite deux effets pervers : une relégation dans un sous-statut et une concurrence malsaine entre salariés et allocataires de minima sociaux.