La politique du Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le haut-commissaire, ne se soucie ni de l'accroissement des inégalités ni de la baisse du pouvoir d'achat. Tandis que vous cherchez des pistes pour que l'accès à l'emploi ne soit plus un horizon lointain et instable, le Gouvernement, lui, alimente avec constance le flux de la précarité. C'est dommage, car votre démarche mérite mieux. Mais, dans la vie comme en politique, « il vaut mieux allumer une bougie que maudire l'obscurité ».
Monsieur le haut-commissaire, nous partageons le diagnostic que vous posez : aujourd'hui, l'insertion fonctionne mal et, pour sortir de cette impasse, il faut renoncer au discours compassionnel, procéder à une analyse sans concessions de la transformation de notre société, définir des objectifs clairs pour ceux qui sont proches des normes de l'emploi, pour ceux dont la situation exige un dispositif transitoire et pour ceux qui auront toujours besoin d'être soutenus.
Quels sont les droits et obligations de ceux qui relèveront de cette prise en charge ? Comment impliquer réellement l'entreprise dans ces actions au-delà d'une énième charte qui, finalement, ne l'engage à rien ? Et, surtout, quelle est la place de l'État dans ce processus ?
L'État doit se sentir concerné par l'insertion et non instrumentaliser la décentralisation pour s'exonérer de son devoir de solidarité. D'autant que l'insertion est plutôt un bon investissement pour notre société : non seulement celui qui retrouve un emploi stable et correctement payé reconquiert aussi sa dignité, mais surtout il casse la spirale de la reproduction de l'inadaptation sociale. Car, à abandonner les personnes à leur sort, on reproduit, génération après génération, les mêmes fractures, les mêmes souffrances et les mêmes destinées. Casser la chaîne de l'échec social est une mission fondamentale pour qui se pique de mener une « politique de civilisation ».
Mieux que de longs discours, les moyens, tant humains que financiers, mis sur la table par l'État à l'issue du Grenelle de l'insertion témoigneront de la réalité de cette prise de conscience.
Monsieur le haut-commissaire, c'est avec intérêt et attention que nous allons suivre la démarche que vous mettez en place pour rendre l'insertion par le travail à la fois efficace et cohérente, et nous y participerons avec la volonté partagée de la voir aboutir. Mais, dans le même temps que se conduit cette indispensable réflexion, nous ne devons jamais perdre de vue l'urgence de travailler sur une question désormais incontournable : comment cesser de produire de la pauvreté ?
Monsieur le haut-commissaire, j'ai lu sur les murs de vos bureaux une devise qui semble vous être chère : « Au possible nous sommes tenus ». À l'instant, j'aurais envie de conclure : « À l'impossible nous sommes tenus ».