Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer la détermination de M. le haut-commissaire et son engagement constant en faveur des plus défavorisés. Cet engagement s'est forgé sur le terrain, au contact des plus démunis, au contact de ceux dont le mode de vie et la souffrance ne leur permettent pas d'exercer tous leurs droits, de ceux qui sont dans la survie, de ceux qui ont perdu confiance en eux et dans la société.
Avec volontarisme, monsieur le haut-commissaire, vous avez lancé le Grenelle de l'insertion pour lutter contre la misère en France. Aujourd'hui, dans notre pays, sept millions de personnes se trouvent sous le seuil de pauvreté, dont deux millions d'enfants.
Certains groupes sont particulièrement affectés par la pauvreté et l'exclusion sociale. Les familles monoparentales avec un enfant à charge sont les plus touchées. Les personnes seules et les couples ayant au moins trois enfants sont également fortement concernés. Je suis frappée par le fait que, selon les sondages, sur dix Français de moins de cinquante ans, six craignent de connaître un jour l'exclusion.
La pauvreté n'est pas une fatalité. Si l'amélioration de la croissance permet de réduire la pauvreté, le lien entre conjoncture économique et pauvreté reste partiel. Outre un bon fonctionnement du marché du travail, il nous faut également un système éducatif efficace, capable d'aider les jeunes à trouver un travail et une politique du logement qui limite les « ghettos ». Enfin, il faut mettre en place des politiques efficaces pour aider les personnes menacées par l'exclusion sociale à sortir durablement de cette situation.
Les prestations sociales - aides au logement, revenu minimum d'insertion et autres minima sociaux - jouent un rôle majeur dans la réduction de ce fléau. Mais la lutte contre l'exclusion ne doit pas se réduire à la mise en place d'une assistance pour tous, dont le seul but serait de faire face aux besoins élémentaires de l'existence. Si notre société fait son devoir en assurant aux plus fragiles un minimum de sécurité matérielle, elle doit également tout mettre en oeuvre pour ouvrir aux personnes aidées la voie de la réinsertion, du retour à un emploi ; parmi les personnes pauvres, 67 % sont sans emploi.
Lorsque viennent s'ajouter au chômage la solitude, la maladie ou la perte du logement, la spirale de la désocialisation risque de s'enclencher : il est alors urgent d'intervenir. La réinsertion doit briser le cercle vicieux de la destruction du lien social et de la perte de l'estime de soi.
La présentation des objectifs du Grenelle de l'insertion suscite beaucoup d'espoirs. Sur votre demande, la SOFRES a interrogé un échantillon représentatif d'allocataires du RMI depuis plus d'un an : 74 % d'entre eux pensent que les décisions du Grenelle pourront améliorer leur situation ; de la même manière, 86 % des RMIstes pensent que le revenu de solidarité active les encouragerait à retrouver une activité professionnelle.
Le Grenelle de l'insertion donne la parole aux acteurs de l'insertion - professionnels, associations et bénéficiaires - et vise à impliquer davantage les entreprises et les employeurs publics. Les contributions de tous doivent permettre de dégager des pistes de réforme.
L'extrême complexité du système d'aide au retour à l'emploi nécessite en effet une réforme en profondeur.
Je dois vous dire que je suis extrêmement intéressée de participer aux travaux du Grenelle de l'insertion. Dans mes responsabilités d'élue, j'ai pu dialoguer avec les associations, les services de l'État, les entreprises. À leur contact, j'ai pu évaluer les difficultés des acteurs de terrain, prendre connaissance des actions innovantes dans la lutte contre l'exclusion.
Je fais partie du groupe de travail étudiant la mobilisation des employeurs, privés, associatifs ou publics, pour favoriser l'emploi de personnes en difficulté. Il s'agit notamment de réfléchir aux moyens de desserrer les freins qui empêchent les entreprises classiques de s'impliquer davantage dans l'insertion. Notre groupe de travail s'attachera à émettre un avis sur la réforme des contrats aidés et à étudier le secteur de l'insertion par l'activité économique.
Je voudrais donc évoquer plus précisément ces deux points.
En ce qui concerne les contrats aidés, la Cour des comptes a publié en 2006 une enquête soulignant les défauts du système : éclatement, complexité, forte instabilité. Un rapport élaboré par notre collègue Serge Dassault, au nom de la commission des finances, est parvenu aux mêmes conclusions. En effet, malgré un début de simplification apporté par le plan de cohésion sociale, les dispositifs restent peu lisibles pour leurs bénéficiaires et leur application est difficile pour les opérateurs. Les différents types de contrats - une dizaine environ - ont connu d'incessantes modifications, coûteuses en termes d'efficacité et de délais de mise en oeuvre.
Comme vous l'avez souvent dit, monsieur le haut-commissaire, les contrats aidés doivent être non pas des impasses, mais des passerelles vers l'emploi durable. J'espère que nos travaux conduiront, comme le souhaite le Président de la République, à la création d'un contrat unique d'insertion, qui aurait une certaine souplesse pour s'adapter à la diversité des situations. La création d'un tel contrat est attendue depuis très longtemps par les acteurs du secteur, qui souhaitent que soient prévues dans ce cadre des prestations de formation et d'accompagnement adaptées aux besoins des personnes concernées.
L'entreprenariat social peut par ailleurs constituer une autre solution. Il s'agit d'entreprises opérant dans le secteur concurrentiel, avec des employés en difficulté, tels que des anciens chômeurs de longue durée ou des bénéficiaires de minima sociaux. Elles sont soumises au code du travail, notamment en matière de salaires, mais reçoivent des aides de l'État pour compenser la faible productivité des salariés et le taux d'encadrement élevé. En général, ces aides sont dégressives dans le temps, pour inciter les entreprises à devenir rentables.
Les associations et les entreprises d'insertion jouent un rôle important au coeur des politiques de l'emploi et de lutte contre les exclusions. Elles permettent aux individus de se refamiliariser avec le monde du travail, de bénéficier d'une formation adaptée et d'un accompagnement. Au terme de ce parcours d'insertion, la personne doit pouvoir retrouver un emploi satisfaisant sur le marché « ordinaire » du travail.
Les entreprises d'insertion emploient plus de 30 000 personnes par an. Selon des chiffres de 2006, 36 % des personnes trouvent un emploi à leur sortie, 9 % débutent une formation qualifiante, 6 % poursuivent leur parcours d'insertion dans une autre structure.
Mais surtout, la première performance des entreprises d'insertion est de salarier dans des conditions de marché des personnes réputées « non employables ». Elles font progresser l'idée essentielle selon laquelle personne n'est a priori inemployable. Ce présupposé est essentiel pour lutter contre les inégalités, l'exclusion et ses représentations négatives.
Je ne parlerai pas ici des personnes handicapées, M. About ayant parfaitement exposé leur situation.
Les structures du secteur perçoivent des financements publics en contrepartie du service qu'elles rendent à la collectivité. Le montant et la nature de ces financements varient en fonction du type de structure. Il leur a été reproché d'être dans l'ensemble « insuffisants, complexes et instables ». Cette question du financement devra donc être débattue pour éviter que des structures de l'insertion par l'activité économique puissent rencontrer des difficultés financières.
D'autres sujets devront également être traités : je pense, par exemple, à la professionnalisation de ceux qui travaillent dans les associations d'insertion, thème que nous avons abordé récemment, monsieur le haut-commissaire.
Par ailleurs, il faut étudier le rôle des entreprises « classiques ». Aujourd'hui, trop d'entreprises refusent de jouer le jeu de l'insertion et d'embaucher des personnes passées par exemple par des structures de l'IAE, faisant ainsi échouer un certain nombre de parcours d'insertion pourtant bien entamés.
Vous avez évoqué, monsieur le haut-commissaire, la possibilité de bâtir des critères de performance, négociés et non pas imposés, ou de recourir à une clause d'insertion. Je voudrais souligner l'intérêt, pour l'employeur, de lutter contre l'exclusion et la précarité : l'entreprise peut y trouver son compte à plusieurs niveaux, en bénéficiant bien sûr d'un financement par l'État, mais aussi d'une motivation supplémentaire des personnes concernées.
Je voudrais dire encore quelques mots au sujet du revenu de solidarité active.
Il faut transformer nos prestations sociales, avoir le courage d'accomplir une remise à plat complète des minima sociaux. Trop souvent, le retour à l'emploi s'accompagne d'une réduction des ressources de la famille, au mieux de leur stagnation. Il est essentiel que le travail permette de ne pas être pauvre et de vivre dignement.