Madame Le Texier, vous avez manifesté votre inquiétude sur la généralisation du revenu de solidarité active.
Madame Terrade, vous m'avez mis au défi de vous indiquer le nombre de bénéficiaires du RSA. Je ne peux pas vous dire combien ils sont aujourd'hui, en revanche, je peux vous indiquer combien ils étaient au 31 décembre dernier. On en dénombrait 2 300, dans les dix premiers départements où le RSA est expérimenté. Je rappelle en effet que les quarante départements concernés ne le mettent pas tous en place au même moment. Dans certains départements, il est mis en oeuvre en janvier, dans d'autres, il le sera en février. Par ailleurs, soyons précis, ce dispositif a démarré au mois de novembre. Il est donc très récent.
En outre, on a laissé le choix à la plupart des départements. Un certain nombre d'entre eux ne versent le revenu de solidarité active qu'à celles et ceux qui ont recommencé à travailler après la date de mise en place du dispositif. D'autres départements en font bénéficier des personnes ayant recommencé à travailler avant leur entrée dans le nouveau dispositif.
Au cours des trois prochains mois, nous allons assister à une reprise d'activité d'un plus grand nombre de personnes. Le nombre de bénéficiaires du RSA va augmenter. Le chiffre des toutes premières semaines n'est absolument pas préoccupant. Il montre au contraire une montée en charge satisfaisante.
Cette montée en charge s'explique par une raison bien simple : contrairement à ce qui se pratique habituellement dans ce domaine, personne n'a imposé à des départements comme le Val-d'Oise, l'Eure, la Seine-Saint-Denis ou la Côte-d'Or de mettre en oeuvre le RSA. On leur en a simplement donné la faculté.
Si les présidents de conseils généraux se sont engagés dans ce dispositif, malgré les contentieux qu'ils ont avec l'État et qu'ils me rappellent tous les matins, à l'instar de Claudie Lebreton que j'ai vu hier, c'est pour deux raisons. La première, c'est qu'ils savent qu'il en résultera une amélioration pour les allocataires du RMI avec lesquels ils travaillent quotidiennement. La seconde, c'est que les acteurs de terrain, y compris les travailleurs sociaux, l'ont demandé et s'impliquent dans la conception et la mise en oeuvre du RSA.
Ne condamnons donc pas un dispositif que les acteurs locaux ont la possibilité d'adapter, ce qu'ils font, quelle que soit leur couleur politique. C'est le point positif du dispositif.
Alors faut-il attendre trois ans avant de généraliser le RSA ? J'ai annoncé la couleur dès le départ en indiquant qu'il s'agissait d'une expérimentation sur trois ans, afin de donner de la visibilité à ceux qui souhaitent le mettre en oeuvre, mais que le but était de passer rapidement à l'étape suivante, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le législateur a accepté que le dispositif ne soit mis en oeuvre que sur une partie du territoire. Les présidents de conseils généraux ont eux accepté, ce qui est un risque politique, que certaines personnes, dans leurs départements, bénéficient d'une prestation nouvelle et que d'autres n'en bénéficient pas. Je pense que ce système ne peut pas durer très longtemps. S'il commence à fonctionner - si cela frémit, si cela bout un peu -, il faudra aller plus loin.
Ensuite, depuis des années, on maintient des inégalités, dont le RSA n'est pas à l'origine, entre personnes qui ont bénéficié des minima sociaux et personnes n'en ayant pas bénéficié. Ainsi, on ne peut laisser perdurer très longtemps le fait que, dans une même entreprise, deux personnes effectuant le même nombre d'heures de travail ne perçoivent pas le même montant, l'un continuant à bénéficier de la CMU ou cumulant une partie de son allocation antérieure avec son salaire, l'autre non, parce qu'il n'a pas bénéficié du RMI ou qu'il a commencé à travailler avant l'âge de vingt-cinq ans. Telle est la deuxième raison pour laquelle il faut étendre au plus vite le dispositif aux travailleurs pauvres.
Enfin, troisième raison, vous nous mettez au défi de mettre des moyens dans ce dispositif. On devra en mettre. Plus vite on les mettra, plus grandes seront nos chances de disposer de moyens à la hauteur de nos ambitions.
Ce n'est pas rendre service aux personnes devant être aidées, à savoir les allocataires du RMI, de l'API, de l'AAH, les travailleurs pauvres, et peut-être même les jeunes, que de leur dire qu'il faudra attendre 2011. Le moment est peut-être venu de faire entrer les jeunes dans un mécanisme. Il pouvait être justifié de refuser le RMI avant l'âge de vingt-cinq ans, mais il est sans doute judicieux, désormais, de mettre en place un dispositif qui s'applique aussi à eux, dès lors qu'il concilie la solidarité et le travail.
Vous l'aurez remarqué, je suis toujours prudent : je ne prétends pas tirer d'enseignements de situations qui ne nous permettent pas d'en tirer. Nous disposons d'un comité d'évaluation, de tableaux de bord, d'enquêtes qui doivent nous permettre de tirer, à la fin de l'année 2008, les enseignements de l'expérimentation et de passer à l'étape suivante. Il sera bien entendu possible de rester dans une phase d'évaluation, si est laissée à chaque département la possibilité de maintenir son barème et de comparer.
Si notre politique consistait à basculer tout d'un coup dans un système où les règles seraient figées, je conviendrais qu'il ne faut pas aller trop vite. Maintenir des possibilités d'adaptation permettra à chaque collectivité de pouvoir adopter le nouveau dispositif.
Madame Le Texier, c'est dans cet esprit que nous travaillons. Vous êtes élue d'un département qui expérimente le dispositif. Comme vous le savez, nous nous sommes engagés à déposer devant le Parlement un rapport sur le sujet.
Je vous remercie, madame Debré, d'avoir fait le lien entre le nombre de pauvres et les objectifs des politiques d'insertion, d'avoir cité le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 817 euros par mois, et d'avoir rappelé que les politiques d'insertion visent à faire diminuer leur nombre.
Vous avez évoqué la pauvreté des enfants : 2 millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Le meilleur moyen de le leur faire franchir, c'est de permettre à leurs parents de disposer de revenus dignes, le revenu du travail constituant le socle, auquel s'ajouterait un complément émanant de la solidarité.
Dans certaines configurations familiales, il faudrait travailler seize mois dans l'année pour parvenir à franchir le seuil de pauvreté. Une année ne comptant que douze mois, il faut bien pouvoir compléter le revenu. On peut travailler à plein temps, toucher le SMIC, avoir des enfants à charge et, malgré tout, ne pas franchir le seuil de pauvreté. Ce cas de figure doit devenir impossible, grâce au revenu de solidarité active. Il s'agit là d'un objectif simple. Je vous remercie, madame la sénatrice, en ayant mis en parallèle la question du RSA et celle du contrat unique d'insertion, de l'avoir replacé dans la perspective de réduction de la pauvreté.
Madame Terrade, vous avez été particulièrement sévère et vous avez voulu démonter le processus dans lequel nous nous engageons.