Je veux revenir sur les propos qu'a tenus M. le ministre tout à l'heure quand il a qualifié de lâches les politiques qui ont été menées depuis quelques décennies.
Je suppose qu'il ne s'adressait pas à Charles Pasqua. Il évoquait peut-être Jean-Pierre Chevènement. Or je ne crois pas que l'on puisse dire que ce dernier ait fait preuve de lâcheté dans son approche des problèmes de l'immigration. Bien au contraire, la disposition législative qui offrait la possibilité - je dis bien qu'il s'agissait d'une possibilité - d'une régularisation automatique au terme de dix années de présence en France me paraît pragmatique.
S'agissant de l'article 24, mes collègues ont dit tout le mal qu'ils pensaient des restrictions apportées à la délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale ».
Je souhaite, pour ma part, m'attarder sur l'abrogation de la disposition qui permet aujourd'hui à un étranger présent sur notre territoire depuis plus de dix ans, ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant, de bénéficier d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
Ces personnes méritent de voir leur situation régularisée. Présentes en France depuis plus de dix ans, elles y ont noué des liens familiaux ou personnels très forts. Leur présence aussi longue sur le sol français justifie à elle seule de leur bonne intégration au sein de la société française. Leur régularisation ne relève pas seulement de la simple humanité.
Vous nous avez rétorqué qu'il s'agissait d'une prime à la clandestinité prolongée. Je ne partage absolument pas votre point de vue. Il me semble normal que la France accorde un statut à tous ces étrangers vivant depuis longtemps sur son territoire, d'autant que leur force de travail est bien souvent exploitée. Nous ne pouvons méconnaître leur détresse.
Vous arguez des dangers que font peser les clandestins sur la société et l'économie françaises. Soyons sérieux ! Vous savez bien, puisque ce chiffre est cité dans l'exposé des motifs du projet de loi, que cette procédure de régularisation partielle concerne moins de 3 000 personnes par an, d'autant que les critères des préfectures sont très stricts à cet égard. D'ailleurs, si l'on se réfère au rapport de Thierry Mariani, on peut y voir que le nombre de régularisations effectuées en 1999 s'est élevé à 2 595, contre 2 486 en 2005, ce qui dénote une baisse. Votre argument n'est donc pas recevable.
Mettre fin à la possibilité de régularisation de la situation de ces personnes et stigmatiser ces dernières comme vous le faites sont des procédés indignes de la France.
En outre, cette mesure sera inefficace puisqu'elle ne conduira qu'à augmenter le nombre des sans-papiers. N'ayant donc qu'un objectif d'affichage et de communication, elle traduit votre volonté de stigmatiser encore plus les migrants à l'approche des élections.
Jusqu'à présent, les régularisations au terme d'une période de dix ans s'effectuaient tranquillement, selon un processus fluide. En le bloquant, vous savez parfaitement que la France sera confrontée un jour à la nécessité de procéder à des régularisations de grande ampleur.
Certes, nous direz-vous, la possibilité de régularisation est préservée, dans une moindre mesure, par le biais de l'article 24 bis introduit par l'Assemblée nationale. Ainsi, les demandes de régularisation des personnes résidant en France depuis plus de dix ans seront soumises à la Commission nationale de l'admission exceptionnelle de séjour. Mais, contrairement à ce que vous avez affirmé devant l'Assemblée nationale, cette disposition ne vise pas à permettre les régularisations que la France devra nécessairement opérer. En effet, ces admissions au séjour seront exceptionnelles et fondées non pas sur le lien familial ou personnel, mais uniquement sur des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels que votre texte ne précise pas.
Dès lors, n'en déplaise à M. Gélard, nous ne cesserons de répéter tout au long de nos débats que ce projet de loi n'est pas bon, que ses dispositions frappent durement, stigmatisent et précarisent un peu plus les migrants. L'effet cocotte-minute, excellemment décrit par ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga, se manifestera très vite et contraindra votre gouvernement, ou un autre - vous voyez que je ne préjuge de rien ! -, à revoir ce dispositif, que vous le vouliez ou non.
Monsieur le ministre, votre attitude est systématique. Vous renforcez considérablement le droit au séjour, mais vous concédez un petit quelque chose qui serait la preuve d'une grande humanité et que vous nous présentez comme une avancée.
Nous ne sommes pas dupes ; nous le répéterons sans cesse au cours de l'examen de ce texte.