Cet amendement étant identique à celui que propose le groupe CRC, on va peut-être se demander si l'UDF ne cherche pas à s'entendre avec les communistes ! Eh bien, je tiens à réaffirmer avec force que, pour ma part, je suis un sénateur UDF qui se sent bien au sein de la majorité, même si j'aime discuter et dire ce que je pense. (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Dois-je vous rappeler, chers collègues communistes, que je n'ai pas voté avec vous au Conseil de Paris ?
Au demeurant, je le précise, j'ai tenu à déposer cet amendement à titre personnel et ce n'est absolument pas mon groupe qui m'a incité à le faire.
J'estime en effet que cette disposition ne répond pas aux préoccupations actuelles et peut être analysée comme un pas en arrière, contraire à nos traditions, notamment à celle qui fait de notre pays une terre d'asile ; mais tout cela a déjà été dit au cours de la discussion générale.
Il s'agit en fait de revenir à la législation en vigueur, c'est-à-dire à l'application de l'article L.313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet la régularisation de l'étranger après dix ans de présence sur le territoire hexagonal.
Monsieur le ministre, mon propos n'est nullement d'encourager la clandestinité des étrangers, mais d'ouvrir les yeux sur des situations que l'on connaît bien à Paris, peut-être plus, d'ailleurs, que dans d'autres départements ou d'autres villes.
Personnellement, je suis pour une très grande sévérité en matière d'entrée des étrangers, et je soutiens les mesures que vous prenez en ce sens. Toutefois, compte tenu de l'arsenal juridique, administratif et policier qui existe actuellement en France, rares sont ceux, me semble-t-il, qui peuvent échapper quotidiennement aux contrôles : un ticket de métro validé, par exemple, permet de savoir à quelle heure exactement une personne est entrée dans telle station ; de même, l'utilisation d'une carte de crédit permet de savoir que son détenteur se trouvait à telle heure à tel endroit. Quand, voilà quarante ans, je lisais le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, j'étais loin d'imaginer que la réalité actuelle irait bien au-delà ! Et cela est vrai aussi bien en France que dans tous les pays occidentaux.
Dès lors, comment concevoir qu'un étranger présent dans notre pays pendant dix ans puisse, tout ce temps, échapper à des contrôles, policiers ou autres ? Si tel est le cas, c'est qu'il y a incurie ou, pour le moins, manque d'efficacité de ces contrôles ! Disons-le franchement, c'est qu'il y a faillite du système !
Je suis certes élu d'un quartier bourgeois de Paris, mais je connais tout de même beaucoup de cas de gens en difficulté, et notamment des étrangers, qui sont tout à fait sérieux, qui travaillent.
Mettez-vous un instant à la place de ces étrangers qui sont présents en France depuis dix ans : il faut bien qu'ils aient l'espoir de voir s'améliorer leurs conditions de vie, qui, jusque-là, ont été difficiles, stressantes. Car il faut savoir ce que représente la moindre sortie en ville pour ceux qui vivent dans la clandestinité, sans cesse aux aguets, dans la crainte d'un éventuel contrôle de police : leur vie sociale est réduite à néant, alors qu'ils sont souvent chargés de famille.
En vérité, leur angoisse permanente est préjudiciable à leur propre équilibre, mais aussi à celui de la société tout entière.
De telles situations ne peuvent que perturber le pacte social et nous nous devons donc de trouver des solutions à ces problèmes. Le retour à une vie normale est une priorité pour tout être humain
Or le dispositif voté par l'Assemblée nationale tendant à supprimer la régularisation au bout de dix ans ne permet pas d'aboutir à ce résultat. Je suis désolé de le dire, monsieur le ministre, mais le système proposé dans le présent projet de loi est encore bien pesant, pour ne pas dire kafkaïen !
En effet, certains étrangers qui vivent dans les conditions que j'ai décrites pendant dix ans s'entendront dire, au bout de ce délai, qu'une commission est enfin prête à examiner leur cas. De grâce, monsieur le ministre, un peu de « classe » ! Vous n'êtes pas le chef de bureau d'une préfecture qui, seul dans son coin, s'inquiète et a peur des étrangers ou adopte une sorte de morgue aristocratique. Encore une fois, les gens dont je parle sont là depuis dix ans. En Amérique, pour reprendre l'exemple que vous avez mentionné, on tire au sort les attributaires de visa ! Or, très souvent, les bénéficiaires de ce système s'intègrent parfaitement.
Si, comme je le propose, on revient à la régularisation automatique au bout de dix ans, l'énergie que l'étranger aura déployée pour se cacher pendant tant d'années pourra alors être consacrée à une bonne intégration à nos règles de vie et à notre culture.
Sans avoir pu participer à l'ensemble des débats, monsieur le ministre, j'ai tout de même l'impression que le Gouvernement, à travers ce texte, ne mesure pas à quel point l'intégration des étrangers constitue un apport fantastique pour notre pays.
Je reviens, avec quelques collègues, d'un voyage en Afrique : je puis vous dire que ce n'est pas avec plaisir que certains Africains viennent chez nous. J'ai, notamment, passé dix jours en Afrique du Sud : personne, là-bas, ne m'a parlé d'émigration. Le problème auquel doit faire face l'Afrique du Sud, qui est un grand pays, est celui de l'immigration, tant il est vrai que beaucoup d'habitants d'autres pays d'Afrique souhaitent s'y installer.
Par ailleurs, si l'on tient compte du rapport de l'OCDE concernant le taux de croissance que devrait prochainement connaître l'Afrique, il n'est pas sûr que, dans dix ou douze ans, les Africains auront toujours envie de venir chez nous. Il ne faut pas oublier que, si les gens viennent en France, c'est parce qu'ils ne trouvent pas de conditions de vie acceptables dans leur propre pays.
J'ajoute, enfin, qu'ils représentent un important facteur de croissance pour notre pays.