J'évoquerai ici l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : sachant que les amis de la personne concernée, ses enfants, son ou sa partenaire, en un mot ses proches, vivent tous en France, cet article nous impose, à tout le moins, de conserver cette procédure exceptionnelle.
Je considère donc que la mesure qui nous est proposée est tout à fait contreproductive, ne faisant que s'inscrire dans la surenchère à laquelle je faisais allusion et que nous ne pouvons accepter.
Si elle est votée, tous les sans-papiers qui se trouvent actuellement sur notre territoire non seulement ne pourront être régularisés, faute de pouvoir justifier de dix années de présence sur notre sol, mais seront, dans le même temps, exclus de l'ensemble des critères, extrêmement restrictifs, contenus dans le présent projet de loi.
Par conséquent, vous êtes en train de les condamner à une irrégularité à perpétuité !
En conclusion, je voudrais revenir sur certains propos tenus, lors de son discours d'ouverture, par M. le ministre de l'intérieur. Ce dernier a, paradoxalement, cité les exemples de l'Espagne et de l'Italie, affirmant que c'était la politique de régularisation massive de ces deux pays qui était à l'origine des tentatives désespérées de certains migrants à Ceuta et Melilla.
Tout d'abord, nous avons pu constater que des gouvernements courageux, de droite ou de gauche, qu'il s'agisse, en Espagne, de celui de M. Zapatero - comme, hier, celui de M. Aznar - ou, en Italie, de celui de M. Prodi, ont procédé à de nombreuses régularisations. Or il a été démontré que, loin de créer un appel d'air, ces régularisations étaient nécessaires ; je pense, en particulier, à celles qui interviennent tous les cinq ans.
D'ailleurs, lors des auditions de la commission auxquelles j'ai assisté, en présence de M. le rapporteur, tous les spécialistes ont fait le même constat. Quant à certaines études, comme celle de Mme Wihtol de Wanden, elles attestent que de telles régularisations, outre qu'elles répondent aux considérations de dignité de la personne humaine et sont conformes aux clauses de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, profitent automatiquement à l'économie de notre pays en particulier et des pays d'accueil en général.
Monsieur le ministre, si des Africains risquent aujourd'hui leur vie sur les barbelés de Ceuta et de Melilla ou en Méditerranée, lorsqu'ils tentent de débarquer aux îles Canaries, ce n'est pas parce que l'Espagne régularise massivement. Non, si ces damnés de la terre agissent ainsi, c'est simplement parce que l'Europe, qui est en train de se construire, tend à s'ériger en Europe forteresse, une Europe qui ne cesse de repousser toujours plus loin ses frontières et qui a choisi de laisser à d'autres États le soin de contrôler ces dernières.
Dès lors, comment voulez-vous que réagissent des Africains qui sont dans un dénuement total - et cela, notamment, parce que nous, Européens, non contents de piller leurs richesses, soutenons les dictateurs qui les oppriment ! - quand des enclaves telles que Ceuta et Melilla les narguent avec leur mode de vie et leur consommation ? Comment, dans ces conditions, ces Africains ne tenteraient-ils pas à toute force de venir en Europe ?
C'est avec cette même force que je vous demande, monsieur le ministre, de vous libérer du poids des dogmes et de regarder la réalité en face !