... il affiche des priorités qui correspondent bien aux besoins et aux attentes mais qui ne sont pas dotées en conséquence sur le plan budgétaire !
Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne méthode pour éviter certaines critiques !
Cela dit, je ne vais pas vous chercher querelle sur l'augmentation de 52 % : j'ai bien noté que vous vous démarquiez de ceux qui ont cru que l'on pouvait en tirer quelque avantage.
Je ne vais pas entrer non plus dans le débat sur le pourcentage de diminution de ce budget : la question de savoir s'il s'élève à 8 % ou à 2, 5 % n'est pas d'un très grand intérêt.
Mes critiques, vous l'avez compris, porteront beaucoup plus sur le sort réservé aux deux grandes priorités affichées : l'emploi et le logement. Voilà bien deux domaines où l'on attend, en effet, une politique offensive. Mais force est de constater que les moyens ne suivent pas, notamment en ce qui concerne les départements d'outre-mer.
C'est ainsi que l'on voit le fonds pour l'emploi des DOM diminuer - cela a été dit - de 28, 4 %, alors même que le chômage repart à la hausse depuis quelques mois.
Il avait, certes, baissé de quelques points depuis 1999, sous les effets successifs et complémentaires de la loi d'orientation pour l'outre-mer, puis de votre loi de programme pour l'outre-mer. Mais, l'année dernière déjà, cette tendance à la baisse a marqué le pas.
En Martinique, le phénomène est d'autant plus prononcé que la crise de la banane, que j'ai évoquée dans le rapport pour avis que j'ai présenté au nom de la commission des affaires économiques, a déjà provoqué la perte de près de 600 emplois depuis le début de l'année.
L'insuffisance de moyens que je viens de dénoncer est, par ailleurs, mise au service d'une conception qui, en matière d'emplois aidés, fait la part trop belle à l'incantation.
Il ne suffit pas de prendre avantageusement parti pour l'emploi marchand, comme s'il y avait, en face, des tenants fanatiques de l'emploi non marchand. L'emploi marchand ne se décrète pas, hélas ! Et vous savez bien que, malgré le dynamisme d'acteurs économiques davantage créateurs d'entreprises et d'emplois que dans l'Hexagone, l'offre d'emplois dans le secteur marchand est loin de se situer, dans les DOM, à la hauteur de la demande.
Dès lors, faut-il, par rigidité idéologique, laisser sombrer des pans entiers de notre population - et surtout de notre jeunesse - dans l'exclusion et la désespérance ?
Je refuse de m'y résoudre, tout simplement parce que j'en évalue bien les conséquences. Et c'est pourquoi je vous demande avec insistance, madame la ministre, de maintenir un volet suffisant d'emplois aidés, qui ont fait leur preuve : je pense notamment aux contrats emploi-solidarité, les CES, aux contrats emplois consolidés, les CEC, et, surtout, aux emplois-jeunes.
Je veux attirer aussi votre attention sur la nécessité d'accentuer l'effort, en matière d'emplois marchands, sur des dispositifs qui sont quelque peu négligés alors qu'ils donnent de très bons résultats lorsqu'ils sont mis en oeuvre : le congé solidarité et le projet initiative-jeune.
La deuxième priorité affichée dans ce budget a trait au logement social. C'est un domaine où un retard considérable doit être rattrapé. Or que révèle l'examen de la ligne budgétaire unique ? Force est de constater une baisse de 6, 5 % des autorisations de programme et la simple reconduction des crédits de paiement, alors que les dotations stagnent depuis deux ans et que des gels et des annulations de crédits sont venus brutalement réduire, en cours d'année, les moyens mis à la disposition des opérateurs sociaux.
Je vous ai d'ailleurs adressé une question écrite, madame la ministre, faisant état de la situation en Martinique où, sur 41, 7 millions d'euros programmés par le conseil départemental de l'habitat, le CDH, en début d'année - en tenant compte des réductions observées en 2003 -, seuls 25, 8 millions d'euros ont été délégués en autorisations de programme.
En outre, il manque toujours, à l'heure actuelle, plus de 8 millions d'euros de crédits de paiement pour payer des entreprises et éviter l'arrêt de certains chantiers.
Il est donc urgent que des crédits supplémentaires soient débloqués pour éviter de réduire encore l'offre de logements sociaux et de pénaliser à la fois un grand nombre de familles en attente et, ne l'oublions pas, un secteur économique éminemment créateur d'emplois.
Peut-on, dans ces conditions, parler de priorité budgétaire ? Nous avons plutôt le sentiment d'être incités à freiner le rythme de réalisation des logements sociaux, alors même qu'il existe - notamment en Martinique, et je peux en témoigner - d'évidentes possibilités d'en construire davantage et que de réels efforts sont consentis dans ce sens.
Mais, là encore, l'insuffisance des moyens est aggravée par la politique menée, qui n'accorde pas toute l'attention nécessaire à la prise en compte des réalités locales.
Ainsi, comment peut-on appliquer sans précaution un dispositif tel que celui qui est prévu pour le logement dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales dans des départements qui souffrent déjà d'enchevêtrements de compétences paralysants ?
Multiplier les intervenants dans un domaine où les conseils généraux des DOM avaient fait leurs preuves et avaient vu leurs compétences renforcées par la loi d'orientation ne conduira pas à de meilleurs résultats, bien au contraire. Les frais de fonctionnement s'accroîtront et, surtout, il deviendra beaucoup plus difficile d'obtenir une appréhension globale et une mise en oeuvre cohérente des politiques.
Vous allez m'objecter, madame la ministre, que, s'agissant du logement comme d'ailleurs du transport, des possibilités d'adaptation des textes législatifs sont offertes aux collectivités locales par l'article 73 de la Constitution. C'est tout à fait exact, mais ces adaptations nécessitent, comme vous le savez, l'adoption préalable par le Parlement d'une loi organique, celle-là même que d'aucuns s'étaient amusés à présenter comme un épouvantail voilà un an !