Pour ce qui concerne, tout d'abord, la notion de liens personnels et familiaux, la rédaction actuelle du projet de loi ne permet pas une prise en compte réelle de la vie privée des personnes. L'expression « liens personnels ou familiaux » serait d'ailleurs, par cette simple substitution de conjonction de coordination, beaucoup plus conforme au respect de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
S'agissant des critères d'appréciation, la prise en compte des conditions d'existence et de l'insertion d'une personne dans la société française ne peut, à l'évidence, concerner une personne qui ne possède pas de titre de séjour. Comment prendre en compte les conditions d'existence et d'insertion dans la société française d'une personne considérée comme clandestine ?
Les conditions d'existence font référence aux ressources et au logement du demandeur qui, par définition, sont instables puisque la personne en cause est dépourvue de titre de séjour, n'est donc pas autorisée à travailler et rencontre des difficultés pour accéder durablement à un logement.
Quant à l'exigence de l'insertion dans la société française, elle est rigoureusement inapplicable. Cette notion est tellement floue qu'elle engendrera une interprétation arbitraire et elle est si difficile à remplir qu'elle privera l'immense majorité des demandeurs d'un droit au séjour.
L'ajout de ces deux critères rend cette disposition inapplicable et constitue, de fait, une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale.
J'en viens maintenant aux critères qui permettent d'apprécier les liens personnels ou familiaux. Ils relèvent plus d'une circulaire que d'un texte législatif dans la mesure où ils ne sont pas contraignants puisque, selon le projet de loi, ils sont « appréciés notamment au regard... ». Cette disposition ouvre la porte à l'arbitraire de l'administration. D'ailleurs, ces critères apparaissent dans la circulaire d'application du mois de mai 1998, qui est souvent citée dans les circulaires ultérieures d'application de la loi sur l'immigration, mais non dans les lois actuellement en vigueur.