Par cet amendement, nous proposons de supprimer, dans le 6° de l'article 24, la référence à la nature des liens avec la famille demeurant au pays d'origine.
Cette condition, pour le moins imprécise, était absente de précédentes versions du projet de loi : pourquoi son ajout, si ce n'est pour verrouiller davantage la délivrance de la carte « vie privée et familiale » ?
La commission des lois s'est contentée, comme pour les autres critères intégrés dans cet alinéa, d'évoquer une « sorte de synthèse de la jurisprudence » permettant « un cadre de lecture plus aisé » n'enfermant pas la position susceptible d'être prise par les magistrats.
Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale est un peu plus prolixe. On y lit que le refus d'accorder le titre de séjour concerné « ne peut être considéré comme une violation du droit à la vie privée et familiale de l'intéressé que si ce dernier ne peut pas exercer ce droit dans son pays d'origine ». Elle oppose les notions de « nature » et d'« existence » des liens, indiquant par exemple que la présence d'un membre de la famille au pays d'origine n'entraînera pas par principe le refus de la carte de séjour. Mais qui va décider ?
En réalité, cette restriction renforcera le pouvoir discrétionnaire des préfets et induira, comme le souligne le Conseil national des barreaux, « une appréciation subjective et incontrôlable par le juge ». On va demander à l'intéressé de prouver un fait négatif, ce qui est généralement exclu en droit français.
Cela renforcera aussi les pouvoirs de contrôle des autorités consulaires, car qui d'autre interviendra pour apprécier la situation de l'intéressé dans son pays d'origine ?
Alors que les possibilités de revendiquer ces liens privés et familiaux ont d'ores et déjà été considérablement réduites par voie de circulaire, en fixant des conditions non prévues par la loi, ici, c'est la loi elle-même qui fixe les conditions.
Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui, bien que n'ayant pas été consultée, a donné son avis, les conditions ajoutées à la délivrance de la carte « vie privée et familiale » seront très difficiles à remplir pour les personnes dépourvues de papiers.
L'obligation de référence à la nature des liens familiaux dans le pays d'origine fait manifestement partie de ces conditions auxquelles il sera très difficile de satisfaire. Elle ne peut que porter atteinte au principe d'égalité des droits.