A-t-on une chance de voir voter cette dernière courant 2005 ? Il ne s'agirait là que d'une première étape de la résolution du problème, puisqu'il resterait encore à soumettre au Parlement un texte d'habilitation.
D'ici là, je ne suis pas sûr que nous ne serons pas déjà confrontés à une situation catastrophique dans ce domaine.
C'est pourquoi il me paraît beaucoup plus simple que le Gouvernement rattrape son erreur en présentant rapidement au Parlement une mesure législative visant à suspendre l'application de toute une série de dispositions de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui posent des problèmes dans les DOM.
Je pourrais encore illustrer le décalage qu'affiche ce projet de budget entre certains objectifs annoncés et les moyens qui sont effectivement prévus par un autre exemple : celui de la politique de continuité territoriale.
Je ne m'attarderai pas sur ce point, mais, dans la mesure où il donne lieu à un appel à contribution de la part des collectivités territoriales, il me permet de faire la transition avec une question que je ne peux passer sous silence, qui concerne précisément la situation des collectivités territoriales dans les DOM.
Vous connaissez l'insuffisance de leurs ressources face à la masse de besoins qu'elles doivent satisfaire et aux charges qu'elles doivent supporter, qui sont beaucoup plus importantes que celles que doivent assumer leurs homologues en métropole. D'où l'intérêt de l'article 47 de votre loi de programme, madame la ministre, qui dispose que : « Les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales d'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».
Or, s'agissant de la dotation globale de fonctionnement des communes, les dispositions relatives aux collectivités territoriales qui ont été votées à l'article 29 du présent projet de loi de finances n'en donnent qu'une assez pâle traduction.
Par ailleurs, la situation particulière des collectivités qui se verront transférer des compétences est très loin d'être prise en compte.
En ce qui concerne le RMI, par exemple, en Martinique, le différentiel entre les allocations versées en 2004 et les remboursements effectués par l'Etat dépasse déjà 6 millions d'euros ! Vous devinez les menaces que cette somme fait planer sur le budget du conseil général !
Vous comprendrez aussi que cette expérience nous incite à nous opposer fermement au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, de l'éducation nationale.
Madame la ministre, je n'ignore évidemment pas le contexte de restriction budgétaire dans lequel vous avez dû élaborer votre projet de budget pour 2005. Mais vous connaissez trop bien les problèmes, notamment économiques et sociaux, qui se posent dans les départements d'outre-mer pour ne pas comprendre l'insatisfaction que j'éprouve et qui est, en réalité, largement partagée.
En fait, les arbitrages budgétaires - dont je préfère croire que vous avez été victime - ne sont pas équitables et révèlent un singulier manque de clairvoyance.
Ils ne sont pas équitables, dans la mesure où, d'une part, ils ne prennent pas suffisamment en compte le poids de certains handicaps qui relèvent autant de l'histoire - ne l'oublions pas - que de la géographie et où, d'autre part, ils semblent sous-estimer excessivement l'importance des efforts qui sont consentis localement pour surmonter ces handicaps.
Ils traduisent aussi un manque de clairvoyance, parce qu'ils font fi des enjeux réels de développement, en privilégiant ce qu'il faut bien appeler une logique purement comptable.
C'est une logique à laquelle nous ne sommes que trop habitués et qui est faussée, de surcroît, par l'idée que nos départements croulent sous l'assistance.
Cependant, par habitant, les dépenses publiques y sont nettement inférieures à la moyenne française - 9 500 euros contre 12 500 euros en 2000 -, tout comme le montant des prestations sociales - 4 200 euros contre 7 400 euros en 2000.
C'est une logique qui gagnerait parfois à s'appuyer davantage sur des études précises. Je pense, par exemple, au dispositif qui a été évoqué à plusieurs reprises de la TVA non perçue mais récupérable. Cette formule quelque peu amusante désigne une disposition qui mériterait cependant un débat beaucoup plus sérieux que celui que nous avons pour l'instant.
Il devient donc urgent de sortir de cette logique comptable qui ne cesse, dans les faits, de se révéler contre-productive, ainsi que de la logique uniformisatrice que l'on voit encore à l'oeuvre actuellement avec l'application sans discernement du deuxième volet de la décentralisation.
Cela implique évidemment une autre vision des départements d'outre-mer, de leurs réalités, de leurs potentialités, du rôle qu'ils pourraient jouer dans les régions du monde où ils se situent.
Madame la ministre, seule une telle vision peut inspirer une politique cohérente, la politique d'envergure que l'on attend toujours et qu'il est nécessaire de mettre en place si l'on veut changer le cours des choses dans nos départements d'outre-mer et enfin dégager pour leurs peuples de vraies perspectives d'avenir.