Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 21 janvier 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion de deux projets de loi le second étant déclaré d'urgence

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Ensuite, parce que les Français vivent la crise, mais certains la jugent au regard de leur feuille de paye, d’autres de leurs minima sociaux, tous de leurs revenus disponibles, et quand il s’agit de chefs d’entreprise – nous en rencontrons nous aussi – de leur carnet de commandes.

En revanche, nous contestons à ce plan le label de « relance ». À bien y regarder, tout compte fait, seuls 4 milliards d’euros de dotations budgétaires sont inscrits dans ce plan.

Pour ce qui est des mesures temporaires, la plupart n’auront d’effet qu’en 2011 et certaines sont des anticipations de dépenses déjà programmées, qui ne seront plus effectuées en 2011-2012. Ce plan n’est donc pas, comme vous l’indiquez dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, « d’une ampleur considérable ».

Voilà pour les mesures quantitatives, voyons maintenant les mesures qualitatives.

Sur quels éléments est fondée notre contestation ? D’abord, sur le diagnostic que nous faisons de la crise, qui diffère de celui du Gouvernement.

Nous estimons que la crise est profonde et durable. La question de la récession ne se pose plus, nous y sommes, et c’est désormais la dépression qui nous guette. La remontée massive du chômage, la chute de la production industrielle, les pressions déflationnistes, sont autant de signes alarmants qui, cumulés, sont porteurs de blocages de l’économie.

Aussi pensons-nous que le Président de la République et le Gouvernement commettent l’erreur grave – la deuxième en dix-huit mois, après celle de la loi TEPA – d’avoir misé sur une crise brutale mais courte et, par voie de conséquence, les remèdes apportés ne sont pas adaptés.

Nos voisins allemands, après avoir longuement hésité, ont amplifié et rectifié leur plan en rééquilibrant les mesures en faveur des ménages. J’observe d’ailleurs que le Conseil européen de décembre, sous présidence française, a procédé à un tri drastique parmi les recommandations formulées par la Commission le 26 novembre. J’en citerai deux qui ont été oubliées dans les plans nationaux, notamment dans le plan français présenté par le Président de la République : agir de façon significative par des dépenses publiques ciblées afin de procéder à des transferts en faveur des ménages à faibles revenus et procéder à des incitations financières fortes pour répondre aux défis à long terme comme le changement climatique.

Je rappelle que seuls 760 millions d’euros sont consacrés au premier objectif au travers de la prime de solidarité active, qui sera versée le 1er avril aux futurs bénéficiaires du RSA, dispositif dont le financement n’est pas encore bouclé et dont vous n’avez pas voulu avancer la date de la généralisation.

Quant à la « relance verte », nous avons bien compris que ni le projet de loi « Grenelle I » ni le projet de loi « Grenelle II » ne seront l’occasion d’inscrire des moyens à la hauteur de l’enjeu. Il s’agit pourtant bien de dépenses d’avenir capables de redonner une avance compétitive à notre pays.

Notre contestation est fondée ensuite sur la manière dont on juge l’état de notre économie lorsqu’elle est entrée dans la crise. Nous estimons, quant à nous – vous pouvez difficilement le contester – qu’elle n’était pas au mieux de sa forme.

Lestée par une croissance faible et des déficits plus importants que les autres économies européennes, la France dispose de capacités de rebond plus limitées compte tenu d’un investissement productif insuffisant depuis plusieurs années et d’un retard de compétitivité expliquant l’affaiblissement de nos industries.

Lancée sur la fausse piste que vous avez choisie en juillet 2007, la France est donc mal préparée au choc de la crise. En réalité, nous ne participons pas de l’enchaînement descriptif que vous faites de la crise. Vous nous dites et vous nous rabâchez que la crise financière aurait généré la crise économique, celle-ci débouchant sur des difficultés sociales.

Nous l’avons affirmé dès le mois d’octobre dernier, c’est parce qu’il y a un différentiel trop important entre la rémunération du travail et la rémunération du capital et parce que le mode de production des vingt dernières années a développé à outrance externalisation et précarisation que des déséquilibres profonds sont nés. La crise financière en est l’expression brutale, le révélateur.

C’est donc à partir de notre analyse de la crise que nous défendrons nos amendements.

Oui, il faut soutenir la consommation des ménages les plus modestes, car c’est un facteur décisif dans la bonne marche de l’économie au moment où nous sommes. Plusieurs économistes ont été cités à cette tribune, je ne saurais mieux dire que Joseph Stiglitz : « Les inégalités ne sont pas seulement un problème social mais aussi un problème de flux économiques : ceux qui pourraient dépenser de l’argent n’en ont pas et ceux qui en ont ne le dépensent pas. »

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