Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 21 janvier 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion de deux projets de loi le second étant déclaré d'urgence

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me permettrai, tout d’abord, de faire un petit retour en arrière. Au printemps 2007, M. Sarkozy déclarait : « Une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. » Il poursuivait : « Il faut réformer le crédit hypothécaire. Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. » C’est ce principe qui, appliqué jusqu’à plus soif, nous vaut d’être réunis ce soir.

Pour sa part, Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi proclamait, début juillet 2007, en installant le Comité chargé de « moderniser » la Place de Paris, sur le modèle de celle de Londres : « L’avenir est devant nous. Il y a eu une Belle Époque ? Préparons-en de sublimes ! » C’était un an avant que la City n’implose, mais après le début de la crise des subprimes, avec les premières difficultés de Bear Stearns.

Comme l’a dit M. le rapporteur général qui a lu les grands auteurs, le Gouvernement a visiblement anticipé la crise.

Mais comment voudriez-vous que nous fassions confiance à ce président et à ce gouvernement pour nous sortir d’une crise qu’ils n’ont pas vu venir ?

Pour cela, il faudrait qu’ils nous donnent l’impression de prendre enfin la mesure des dégâts et d’anticiper, au lieu de se contenter de réagir. Rappelez-vous, mes chers collègues : la crise ne devait toucher que les États-Unis et épargner l’Europe ; elle ne devait concerner que la sphère financière et épargner l’économie réelle… Voilà moins de quatre mois, vous la pensiez encore de courte durée, monsieur Woerth, lorsque vous pronostiquiez : « La crise est venue d’une manière extrêmement violente mais la reprise peut être extraordinairement forte. »

Les propositions du plan de relance portent la marque de cet aveuglement et des illusions qui sont à l’origine de la crise : illusion que le capital et le marché engendrent à eux seuls de la richesse et qu’il convient donc de laisser circuler le premier sans entrave et de déréguler le second ; illusion que l’on dynamise l’économie en comprimant les revenus du travail et en augmentant ceux du capital ; illusion que la dette publique est par essence un mal mais l’endettement privé un bien ; illusion, pour reprendre l’immortelle maxime de Mandeville, que « les vices privés font les vertus publiques ». D’où l’exercice surréaliste auquel nous assistons : un plan d’intervention économique conçu selon la logique néolibérale de désengagement de l’État, un plan de relance anti-inflationniste, autrement dit un plan de relance sur place !

« Il ne s’agit pas de dépenser plus dans la durée, nous a prévenu Nicolas Sarkozy, mais de dépenser plus vite ce qui aurait dû être étalé sur de nombreuses années. Ce qui signifie que les dépenses ne pèseront pas sur le déficit après 2010 et que nous n’abandonnons pas l’objectif d’assainir le plus vite possible nos finances publiques. »

« Je suis oiseau : voyez mes ailes ; Je suis souris : vivent les rats ! », se flattait la chauve-souris de la fable. « Je suis keynésien : voyez mes investissements ; Je suis maastrichtien : voyez qu’ils ne coûtent rien ! », pourriez-vous dire, monsieur le ministre !

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