Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aller plus loin dans la discussion de cet article, permettez-moi de vous citer quelques extraits de la directive européenne sur l'énergie que l'article 1er du projet de loi transpose en partie.
Ainsi, l'alinéa 3 de l'article 3 de la directive dispose : « Les États membres veillent à ce que au moins tous les clients résidentiels et, lorsqu'ils le jugent approprié, les petites entreprises (à savoir les petites entreprises sont définies comme des entreprises employant moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 10 millions d'euros) aient le droit de bénéficier du service universel, c'est-à-dire du droit d'être approvisionnés, sur leur territoire, en électricité d'une qualité bien définie, et ce à des prix raisonnables, aisément et clairement comparables et transparents. Pour assurer la fourniture d'un service universel. À cet effet, les États membres peuvent désigner un fournisseur du dernier recours. Les États membres imposent aux entreprises de distribution l'obligation de raccorder les clients à leur réseau aux conditions et tarifs fixés conformément à la procédure définie à l'article 23, paragraphe 2. Rien dans la présente directive n'empêche les États membres de renforcer la position sur le marché des consommateurs ménagers ainsi que des petits et moyens consommateurs en promouvant les possibilités de regroupement volontaire en vue de la représentation de cette catégorie de consommateurs.
« Le premier alinéa doit être mis en oeuvre d'une manière transparente et non discriminatoire et ne doit pas empêcher l'ouverture du marché prévue à l'article 21. »
Deux observations s'imposent.
La première, et non la moindre, c'est que chaque État membre de l'Union est habilité à prendre toute disposition pour protéger les consommateurs résidentiels et éviter qu'ils ne soient victimes de prix inadaptés à leurs possibilités financières.
Cette possibilité, ouverte par la directive - ce qui témoigne de quelques-unes de ses contradictions internes -, nous vous inviterons à l'appliquer au travers de la discussion et, nous l'espérons, de l'adoption des amendements que nous avons déposés sur cet article 1er.
La seconde observation, c'est que le simple fait que le législateur européen ait prévu cette possibilité montre qu'il n'est pas lui-même convaincu du bien-fondé absolu de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Il en est d'ailleurs si peu convaincu qu'il prévoit expressément qu'il puisse y avoir à la fois un service universel, même si c'est un service public au petit pied, et que des dispositions puissent être prises pour ceux qui, à la vérité, n'auront pas vraiment le choix.
In fine, ces dispositions démontrent presque le caractère extrêmement discutable de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Par ailleurs, elles révèlent que la mise en concurrence des opérateurs sur ce marché ne se traduira pas nécessairement par la réduction du tarif clientèle, de même qu'elle n'assurera pas la sécurité d'approvisionnement.
Quelques éléments viennent corroborer notre sentiment profond sur les dispositions de cet article.
Ainsi, la majorité des députés européens français n'ont pas soutenu en 2003 le projet de directive sur le gaz ni celui sur l'électricité, les textes des deux directives étant d'ailleurs particulièrement proches. En effet, ni les députés socialistes français, ni les députés de la Gauche unitaire européenne, ni les députés non inscrits, régionalistes, écologistes ou divers droite siégeant alors au Parlement européen n'ont apporté leur soutien à ces directives.
C'est d'ailleurs tout à l'honneur de ces parlementaires d'avoir fait ce choix, et ce alors même que ce sont un député social-démocrate allemand et un député écologiste belge qui ont soutenu le texte modifié de ces directives.
Au-delà, le simple fait de laisser entendre que pourrait subsister un tarif réglementé pour le gaz comme pour l'électricité signifie tout simplement que la hausse programmée et continue du prix de l'énergie est inscrite en creux dans l'article 1er. Derrière l'illusion de l'égalité des parties contractantes - le consommateur d'un côté, le fournisseur d'énergie de l'autre -, se profilent la flambée des prix, l'assujettissement permanent à la spéculation.
Telles sont les réalités qui doivent être au coeur de la discussion de l'article 1er.