Intervention de Annie David

Réunion du 18 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Article 1er

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a été question à maintes reprises, au cours de ce débat, de « guerre énergétique », mais personne, pas même M. le ministre, n'a évoqué les dégâts. Or, comme dans toute guerre, de multiples dégâts collatéraux se font jour.

Il en est un des plus graves : la survie des industries papetières confrontées à l'augmentation du coût de l'énergie, en l'occurrence l'électricité, dont il est question dans cet article. Nous insistons, car cette situation est dénoncée non seulement par le groupe CRC, mais par l'ensemble des acteurs de cette industrie.

J'en veux pour preuve les différentes assises régionales sur l'avenir de cette filière, organisées par un syndicat de cette branche, la Filpac-CGT, la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication, auxquelles participent des représentants de la COPACEL, la Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et celluloses, le MEDEF des papetiers.

Ainsi, le 28 septembre dernier, à Grenoble, lors des assises régionales de l'industrie papetière et de l'emploi en Rhône-Alpes, auxquelles je participais, M. Leriche, représentant de la COPACEL, s'est montré alarmiste ; il a déclaré : « Nous sommes en apnée. Pour certains établissements, la survie est une question de semaines. »

L'accusé principal est le coût de l'énergie, énergie dont les papetiers sont gourmands. L'organisation patronale veut croire en l'efficacité du consortium qu'elle a mis sur pied. C'est une façon de revenir à EDF, après un approvisionnement sur le marché concurrentiel où elle a subi les aléas de la Bourse ! Ce groupement doit permettre d'acheter de l'électricité à moindre prix. Mais il ne réglera pas le problème des petites usines, qui n'y auront pas accès, le droit d'entrée dépassant de beaucoup leurs moyens.

Le Gouvernement restera-t-il sourd aux demandes des papetiers ? Apparemment oui, d'autant qu'en France ils ne représentent que 1 % de l'emploi salarié, contre 60 % dans les pays scandinaves, par exemple. Il n'est donc guère possible, avec un tel taux, de faire du lobbying, notamment à l'échelon européen.

Pour autant, la seule région Rhône-Alpes compte plus de la moitié des effectifs nationaux, soit 11 200 femmes et hommes, salariés dans 249 établissements, répartis comme suit : dans l'Ain, 20 établissements et 780 salariés ; en Ardèche, 14 établissements et 1 182 salariés ; dans la Drôme, 31 établissements et 1 611 salariés ; dans la Loire, 35 établissements et 1 095 salariés ; dans le Rhône, 70 établissements et 1 528 salariés ; en Savoie, 8 établissements et 659 salariés ; en Haute-Savoie, 8 établissements et 581 salariés. Enfin, le seul département de l'Isère, où j'ai l'honneur d'être élue, compte 63 établissements et 3 764 salariés !

Les principales entreprises sont ArjoWiggings, Cascades, Emin Leydier, qui a d'ailleurs racheté l'ensemble des actions de cette entreprise pour se mettre à l'abri d'un coup boursier, Matussière & Forest, Papeteries du Léman, SCA Hygiène Products, Papeterie de Voiron, Papeteries de Cran, Papeterie du Pont-de-Claix, Papeterie de Mancey...

Cette longue liste doit rappeler à chacun d'entre vous des dossiers, car ces entreprises sont installées en Rhône-Alpes, mais pas seulement : je pense notamment à Matussière & Forest, que le président du Sénat, M. Poncelet, connaît particulièrement !

Selon une étude produite par un cabinet d'expertise à l'occasion de ces assises, « cette industrie a déjà connu des phases d'ajustement, notamment à l'époque des chocs pétroliers ou lors des dévaluations compétitives des monnaies nordiques. Mais les creux faisaient partie des habitudes et étaient gérés par anticipation, la croissance restant tendanciellement au rendez-vous. »

Or ce n'est plus le cas ! « L'industrie papetière bénéficiait d'un atout important dans la compétition internationale à travers le prix de l'énergie, tout particulièrement celui de l'électricité. L'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques a conduit à la perte de cet avantage au cours des dernières années, alors même que l'avance prise par la France dans le domaine de l'énergie nucléaire aurait dû permettre aux entreprises françaises de disposer d'une énergie toujours plus compétitive. » C'est l'une des causes invoquées par Jean-Marie Nusse, président de la COPACEL, pour expliquer que l'industrie papetière française a connu en 2005 une année particulièrement difficile, marquée par une conjoncture économique défavorable et par de fortes augmentations de ses coûts.

Ainsi, dans l'industrie papetière comme ailleurs, les restructurations sont passées par là, laissant la place à la loi des grands groupes. Ces grands groupes pourront peut-être faire face à l'augmentation drastique du coût de l'énergie grâce au consortium qu'ils souhaitent mettre en place, mais ils laisseront sur le bord du chemin tout un tas de petites unités, dans lesquelles sont salariés des milliers de femmes et d'hommes, dont le savoir-faire est ignoré et qui sont transformés en variable d'ajustement.

Aussi, nous continuerons à combattre votre texte, monsieur le ministre, du premier au dernier article, et particulièrement l'article 10 qui légitime votre volonté de privatisation de GDF au détriment de l'intérêt du plus grand nombre. Nous continuerons d'exiger un grand pôle public de l'énergie !

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