Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 18 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Article 1er

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Le projet de fusion que le Gouvernement nous présente aujourd'hui comme indispensable à la modernisation de l'économie européenne était jugé, il y a peu, comme inutile par ce même gouvernement. Pourquoi GDF aurait-il tout à coup besoin de Suez ?

Une telle précipitation ne peut s'expliquer que par des logiques financières, qui plus est douteuses, mais en aucun cas par l'intérêt général du pays et des consommateurs, car la situation n'a pas évolué en quelques mois au point de justifier la fusion d'une entreprise nationale prospère avec un groupe trois fois plus important.

La situation mondiale difficile qui caractérise aujourd'hui le domaine de l'énergie ne justifie pas non plus une telle mesure visant à placer à la tête des entreprises énergétiques des intérêts privés alors même que le dialogue entre chefs d'État devient indispensable à la résolution des problèmes communs.

Les lois de la concurrence ne peuvent que compliquer le jeu de la diplomatie en ajoutant la guerre économique aux conflits déjà existants autour de la question des réserves fossiles d'hydrocarbures. Voilà un premier point qui justifie à lui seul l'abandon de la privatisation de ce secteur.

Dans ce texte, vous jouez la prudence en instaurant, dès l'article 1er, de prétendues garanties tarifaires. Une telle manoeuvre constitue la preuve évidente du danger que représente l'ouverture du marché énergétique. En effet, si votre projet était bénéfique pour l'ensemble de nos concitoyens, vous ne vous seriez pas sentis tenus de les rassurer dès les premières lignes.

Penchons-nous plutôt sur les garanties que vous proposez. En fait, elles ne font que colmater des brèches dont vous auriez pu empêcher la formation en appelant au gel des directives à la suite d'un bilan de l'ouverture partielle entamée en 2000.

Si vous affichez votre volonté de maintenir les tarifs réglementés, laissant le choix au consommateur de continuer à en bénéficier ou de souscrire aux nouvelles offres qui lui sont proposées, vous confirmez en revanche le principe d'irréversibilité grâce auquel de nombreuses entreprises se sont retrouvées étranglées à la suite de la hausse vertigineuse des tarifs sur le marché libre. Tel fut le cas de notre principal fournisseur national d'ammoniac, le groupe Yara. À la suite de l'augmentation du prix du gaz en-dehors du marché régulé, il a dû supprimer 130 emploi, ce qui, compte tenu de la baisse d'activité, oblige désormais notre pays à importer de l'ammoniac.

Aujourd'hui, l'écart entre les prix de l'énergie et les tarifs réglementés par l'État atteint 66 %. Même vos amis du MEDEF s'en inquiètent, constatant que l'ouverture actuelle du marché européen de l'électricité « conduit tout le monde dans le mur », car elle est faite à court terme et souffre d'une absence de coordination sur le plan européen.

Voilà pourquoi nous ne pouvons cautionner un article, qui, non content de n'apporter que des colmatages de fortune à une situation dégradée, annonce de surcroît un danger grandissant pour nos entreprises et pour l'ensemble des consommateurs. Je voterai donc sa suppression.

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